L'heure au Japon

Parution dans le n°45 (novembre 2014)

Les catastrophes naturelles ont inspiré de nombreux auteurs au premier rang desquels Komatsu Sakyô. Les catastrophes qu’elles soient naturelles ou provoquées par l’activité humaine ont toujours été des sujets d’intérêt pour la littérature ou le cinéma. Peu de pays ont manifesté autant d’enthousiasme à l’égard de ce genre de production que le Japon. Alors que les films américains d’antan se contentaient d’amener quelques créatures extraterrestres dans une petite ville au milieu de nulle part, les Japonais imaginaient Godzilla, un monstre gigantesque au “souffle atomique” qui apparaissait pour réduire Tôkyô en cendres. Quand l’auteur de science-fiction Komatsu Sakyô a écrit son roman consacré à une catastrophe frappant le Japon, il ne s’est pas contenté de décrire un séisme de grande ampleur, il a simplement rayé l’archipel de la carte. Ancien artiste comique, Komatsu s’est lancé dans l’écriture de son roman en 1964 et il lui a fallu neuf années pour le terminer. A la fin, l’histoire était tellement longue que l’éditeur a décidé de la publier en deux volumes. La Submersion du Japon (Nihon Chinbotsu) commence par une série de séismes et d’éruptions volcaniques. La communauté scientifique finit par penser que l’ensemble du pays va être submergé, encourageant le gouvernement japonais à entamer des négociations secrètes avec d’autres pays pour qu’ils acceptent des réfugiés japonais. Tandis que les opérations d’évacuation se déroulent, le mont Fuji entre en éruption, dévastant la capitale avant que l’ensemble de l’archipel disparaisse dans l’océan Pacifique. A sa sortie, en 1973, le roman s’est vendu à 30 000 exemplaires, un chiffre plutôt faible dans un pays où la lecture est un passe-temps national et où les livres de ce genre peuvent s’écouler à plusieurs centaines de milliers d’exemplaires. L’année suivante, il remporta néanmoins deux prix littéraires prestigieux. A la même période, une série de tremblements de terre et d’éruptions volcaniques se produisirent incitant les Japonais à s’y intéresser. Bientôt, les ventes des deux volumes atteignirent les 4 millions d’exemplaires tandis qu’une version abrégée était publiée en anglais avant d’être suivie l’année suivante par une traduction française abrégée également. Au-delà de son intrigue spectaculaire et désastreuse, La Submersion du Japon est devenue un best-seller dans l’archipel en raison du message que le roman adressait à ses lecteurs. En effet, il apparaît comme une antithèse de l’optimisme né des années 1960 et de l’avenir en rose que l’exposition universelle d’Ôsaka en 1970 proposait aux Japonais. Originaire la capitale du Kansai, Komatsu avait été impliqué dans la conception de l’événement de 1970. Il était célèbre pour ses histoires apocalyptiques qui critiquaient souvent le monde scientifique compromis par le pouvoir politique et indifférent aux équilibres de la nature. Depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, le Japon a été obsédé par la croissance économique et la technologie. Au moment de la sortie du livre, les questions environnementales avaient pris beaucoup d’importance. Le pays était également secoué par une vague de terrorisme. En 1970, l’Armée rouge japonaise avait notamment détourné un appareil de la Japan Airlines avec 129 passagers à son bord. L’économie subissait une forte inflation. Et quand le choc pétrolier a eu lieu la même année, cela a contribué à approfondir un sentiment de crise parmi la population. Enfin, 1973 marquait le 50e anniversaire du grand tremblement de terre  qui avait dévasté Tôkyô et sa région le 1er...

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