
Devant la tragédie qui a frappé le nord-est de l’archipel, les Tokyoïtes, à l’image des autres Japonais, pensent déjà à l’avenir. Je me rappelle ce dimanche après-midi. Une journée ensoleillée de mars qui apportait les senteurs du printemps, avec une légère brise de fin d’hiver. Dans le parc de Yoyogi, des couples et des groupes d’amis s’étaient réunis pour un pique-nique sous les pruniers en fleurs. Le rose tendre contrastait avec la pelure dégarnie des arbres et invitait à la calme contemplation. Nous étions au surlendemain du grand séisme, un cataclysme de magnitude 9 dont le tsunami avait pulvérisé toute la côte nord-est du pays. A Tokyo, la puissance et la longueur de la secousse avait reveillé le spectre du Kantô Daishinsai, le grand tremblement de terre du Kantô. Une catastrophe prévue, attendue et calculée depuis 1923, date à laquelle Tokyo s’était transformé en champ de ruines. Dans ce parc du centre de la capitale, on aurait plutôt pensé à un dimanche férié où la moitié des habitants serait partie en week-end. Mais tout autour, le calme des rues atteste d’une situation anormale, jamais vue. Pas d’images sur les écrans géants, pas de musique ni de haut-parleurs dans les rues. Vidés de leur clientèle, les magasins à la mode de Shibuya contrastent avec les queues gigantesques devant les stations-service et les supermarchés de la périphérie. Tokyo by night ressemble à une ville sinistrée, ce qu’elle est en réalité. “Il n’y a pas eu de victimes ici, mais nous vivons par procuration toute l’horreur de la situation à quelques centaines de kilomètres de chez nous”, dit Hase, un journaliste indépendant. En effet, la réaction des gens de la capitale a été si solidaire que, dès le 14 mars, les gens ont repris le travail dans des conditions épouvantables. “Le jour du séisme, tout s’est arrêté à Tokyo, il y avait une foule de gens qui marchaient...
