L'heure au Japon

Parution dans le n°118 (mars 2022)

La plage de Heart Rock, à Korijima, est le rendez-vous des amoureux ! / Alissa Descotes-Toyosaki pour Zoom Japon Notre journaliste a parcouru la célèbre artère dans le sens sud-nord pour en découvrir les secrets. Traverser Okinawa en voiture est une expérience à ne pas rater pour découvrir les paysages mais aussi l’histoire de cette île, la plus grande de l’archipel. Au départ de Naha, la nationale 58 longe en effet la côte du sud au nord en passant par des vestiges historiques, des plages paradisiaques et des forêts endémiques. C’est la route que j’emprunte pour me rendre d’abord dans la péninsule de Motobu, à 80 kilomètres m au nord-ouest de l’île, un point d’entrée pour explorer la nature sauvage du nord d’Okinawa, inscrite au patrimoine mondial de l’Unesco en 2021.C’est d’abord un décor surprenant de magasins de dépôts militaires, de burgers et de centres commerciaux aux enseignes bilingues que nous traversons après Naha. Héritage de la Seconde Guerre mondiale, l’île d’Okinawa est indissociable de ses dix bases américaines. Environ 30 000 GI’s y sont stationnés, soit 75 % des forces américaines présentes au Japon. La base aérienne de Kadena, immense champ barbelé, aligne ses Ospreys en plein cœur de la ville de Chatan, peuplée de 28 000 habitants. Servant au ravitaillement militaire, ces avions impressionnants de plus de 20 tonnes survolent régulièrement l’île.Sous les palmiers, on croise des soldats tatoués en train de faire leur jogging en fin d’après-midi. Mais contrairement à Chatan, les rues de la péninsule de Yomitan sont peuplées de restaurants et de bars aux volets clos. Ouverts en plein cœur de la guerre du Vietnam, la plupart des villages américains d’Okinawa ont dépéri. Seul le café Malibu avec sa statue de la liberté érigée sur le toit semble ouvert. A l’intérieur, au milieu des photos en noir et blanc des stars d’Hollywood, un Américain mange un hamburger en admirant les derniers rayons du soleil sur la plage de Malibu. Des dizaines de camps militaires sont éparpillées sur l’île, mais Kadena est la dernière base sur la côte ouest. La route 58 longe la côte sur une bonne partie de son tracé. / Alissa Descotes-Toyosaki pour Zoom Japon Nous entrons dans Onnason. La route longe de très beaux paysages côtiers jusqu’à la grande ville de Nago, bordée de complexes hôteliers. Je quitte la 58 pour m’enfoncer dans la péninsule de Motobu et pose mes bagages au motel on the Beach Lue à la nuit tombée. Avec ses chambres modernes ornées d’une terrasse qui donne directement sur la plage, ce petit hôtel n’est pas sans charme. Mais le patron me murmure que depuis quelques années, la plage n’est plus ce qu’elle était. En effet, des chalutiers remuent jour et nuit le sable pour extraire du gravier. Il faut passer sur le versant nord de la péninsule pour goûter vraiment au charme des tropiques.Brusquement le trafic se fait moins dense. Au son mélodieux des passereaux uguisu, nous entrons dans Nakijin-son, le village de Nakijin, surplombé par une imposante forteresse. Inscrit parmi les neuf sites du patrimoine mondial d’Okinawa, la château de Nakijin est un excellent point d’entrée pour comprendre l’histoire de cette région qui faisait partie autrefois de l’archipel des Ryûkyû, étroitement lié à la Chine. “Les Ryûkyû étaient indépendants du Japon central jusqu’au début du XVIIe siècle et constitué de trois royaumes, le sud, le centre et le nord. Le château de Nakijin était la porte d’entrée du royaume du Nord”, explique la guide, Yoko Junko, en arpentant les vieilles pierres qui montent vers la forteresse. Construit par un souverain du nom de Han Anchi à la fin du XIIe siècle, le château n’est plus que ruines, mais il reste une imposante muraille de 1,5 km et une vue époustouflante sur la jungle et la mer de Chine méridionale.“Le roi du Nord contrôlait tout l’actuel Motobu et traitait directement avec la Chine. En 1422, le château a été envahi. Han Anchi a tailladé cette pierre avec son épée avant de se suicider”, poursuit la guide en montrant l’impact légendaire. “On a retrouvé l’épée dans la rivière. Elle est exposée à Naha. Vous entendez ? Cette rivière est en bas dans la jungle, elle est là depuis 5 000 ans !” Nous tendons l’oreille vers le bruissement de l’eau qui court sous l’épaisse canopée. “Le château fut ensuite la résidence d’un administrateur du royaume jusqu’à l’invasion des Satsuma en 1609. Puis le château a brulé. Mais les gens de Nakijin ont continué de venir honorer les sites sacrés à l’intérieur de la forteresse”, ajoute la guide en montrant un utaki, un site sacré autour d’une pierre où sont honorés les ancêtres et les divinités de la nature. Croyance animiste toujours vivante dans les îles Ryûkyû, les cérémonies utaki sont tenues par les prêtresses chamans, les norô. Le musée du centre culturel et historique de Nakijin à l’entrée du château expose des photos de ces rituels qui orchestrent la vie de chaque village d’Okinawa. “Pendant la guerre, les gens de...

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