
Dans votre dernier livre, Chine ou Japon : quel leader pour l’Asie ? (éd. Presses de Sciences Po), vous montrez très bien que le “choc” entre Pékin et Tokyo est inévitable. Pourriez-vous résumer votre pensée à ce sujet ? Claude Meyer : Pour le dire en quelques mots, au risque de schématiser un peu, tout me semble les séparer à la fois dans leur interprétation du passé, leur perception du présent et leur vision de l’avenir : pour hier, choc des mémoires concernant les exactions du Japon militariste, montée des nationalismes aujourd’hui et surtout, ambitions rivales pour demain. Bien sûr, il existe de fortes coopérations économiques, mais la convergence de leurs intérêts sur ce plan n’éclipse jamais méfiance et animosité mutuelles. La question des Senkaku (Diaoyu en chinois) est revenue sur le devant de la scène ces dernières semaines. D’un côté, on a senti les Japonais déterminés et de l’autre, les Chinois prêts à ne rien lâcher. Est-ce que cette question territoriale est un simple prétexte pour les uns et les autres d’essayer de s’impressionner mutuellement ? C. M. : Non, ce n’est pas un simple prétexte, car ces îlots revêtent une importance réelle pour chacun des deux pays, tant sur le plan économique que stratégique. Economique, en raison d’importantes ressources halieutiques et de probables gisements d’hydrocarbures. Stratégique, car ils sont situés sur une artère maritime vitale pour l’approvisionnement en ressources de l’Asie orientale mais aussi à proximité de Taiwan, d’où l’importance de détenir cette position en cas de conflit concernant l’île. Mais au-delà de ces enjeux réels mais limités, ce psychodrame diplomatique est le symptôme des tensions sous-jacentes, car il est au croisement de plusieurs problématiques, notamment contentieux historiques et positions stratégiques respectives en Asie. Sur ce dernier plan, l’affirmation de la puissance chinoise s’est accélérée depuis 2009 (G20 de Londres et sommet de Copenhague en 2009, dépassement du PIB japonais par...
