
Même les jours de grisaille, la mer turquoise d’Iriomote attire et invite à la baignade. / Alissa Descotes Toyosaki pour Zoom Japon A 2 000 km de Tôkyô, l’île conserve un côté sauvage que les habitants veulent continuer à préserver. Riche de centaine d’îles, l’archipel des Ryûkyû, dont fait partie Okinawa, abrite plusieurs sanctuaires protégés du monde extérieur. L’un d’eux est Yaeyama, un chapelet d’une dizaine d’îles qui s’étire à l’extrême sud-ouest du Japon. La plus sauvage de ces enclaves se nomme Iriomote, à 2000 km au sud-ouest de Tôkyô et à seulement 220 km de Taïwan. En pleine mer de Chine orientale, la plus grande île des Yaeyama est presque entièrement un parc national.Depuis le port d’Ishigaki, le dernier bateau part vers 16h30 en direction du port d’Uehara, au nord-ouest d’Iriomote. En ce mois de mars, ce sont surtout des îliens qui rentrent chez eux chargés de lourds bagages et de caisses de ravitaillement. En cas de typhon, l’île est fréquemment coupée du monde. Le moteur vrombit et délivre toute sa puissance, fendant l’océan en vagues d’écumes. Après une heure, les montagnes verdoyantes d’Iriomote apparaissent sous la houle nuageuse. Véritable jungle posée sur la mer, Iriomote est couverte à 90 % de forêt primaire et de mangroves. C’est d’ailleurs grâce à cet isolement qu’elle abrite encore une espèce unique de félin au monde, l’Iriomote yamaneko ou chat sauvage d’Iriomote. Sa robe tachetée semblable à un léopard en a fait l’emblème de l’île, mais depuis la construction de la route départementale dans les années 1970, sa population a chuté drastiquement. “Il n’en reste plus qu’une centaine. Malheureusement, le peu de fois où on les voit, ils sont déjà morts !” regrette le chauffeur du bus en chemise hawaïenne et Ray-ban. Kodama Yoshimitsu en sait quelque chose. Ancien membre des forces d’autodéfense japonaises, ce sexagénaire, qui a pris sa retraite au vert à Iriomote, conduit ce bus plusieurs fois par jour d’une extrémité à l’autre de l’île. Déclaré Trésor national du Japon, l’animal a eu le triste privilège d’être intégré à la liste rouge des espèces menacées. Le long de la départementale, nous croisons des panneaux de signalisation avec le pictogramme du chat sauvage et des panneaux de limitation de vitesse à 40 km/h. “Iriomote a mis en place une ligne de téléphone spéciale yamaneko et une patrouille de nuit pour les protéger. Mais la meilleure façon de les aider est de rouler lentement et prudemment”, assure M. Kodama. Avec son bus à l’effigie du yamaneko, Kodama Yoshimitsu fait le tour de l’île tous les jours. / Alissa Descotes Toyosaki pour Zoom Japon Je descends près de l’auberge Mariudo, située non loin des fameuses chutes de Pinasaira accessibles en kayak ou à pied. A quelques kilomètres du village d’Uehara, la végétation est déjà dense et luxuriante. Des chants d’oiseaux inconnus accompagnent la tombée du jour et une épaisse canopée assombrit le chemin qui descend vers la mer. Près du petit port de Funaura, j’aperçois un animal au pelage roux perché sur une branche de palmier. Ses yeux noirs me fixent, tête en arrière. Je pense d’abord à un singe tellement son corps est grand. Mais son museau fait penser à un chien. Intriguée, je me rapproche. Soudain, la bête déploie deux ailes noires immenses et s’envole dans un grand battement vers la forêt. Surnommée le “renard volant des Ryûkyû”, cette espèce de roussette typique d’Iriomote est une chauve-souris qui se nourrit essentiellement de fruits. En voie de disparition dans d’autres parties du monde, elle a pu prospérer dans cette jungle bordée de marais dont on aperçoit déjà les méandres depuis le port. Ce paysage subtropical a valu à Iriomote la comparaison flatteuse de petite Amazonie, mais il est aussi favorable à la prolifération de moustiques porteurs du paludisme. Un triste épisode de son histoire raconte que la moitié de sa population a péri du paludisme pendant son évacuation forcée durant la Seconde Guerre mondiale. Après l’éradication du parasite, l’île restée longtemps inhabitée a toujours gardé une très faible population : 2 400 habitants pour une superficie de 289 km2.Le lendemain, le bus à l’effigie du yamaneko me transporte vers l’ouest de l’île. Malgré la rareté de ses passages, il demeure le moyen de déplacement le plus pratique pour avoir un aperçu général d’Iriomote. Au nord-ouest, le village d’Uehara habité par quelque 900 habitants, aligne restaurants, auberges et centres de kayaking et de snorkling. A la pointe de l’île, on trouve la plage de Hoshizuna connue pour son sable en forme d’étoile, la plage de Tudamari et le luxueux Hoshino Resort avec piscine et spa. “Au moment de sa construction en 2003, cet hôtel a été très contesté par les habitants”, me souffle le chauffeur de bus toujours en chemise hawaïenne. Malgré quelques grands complexes hôteliers, l’île se préserve encore du tourisme de masse grâce à l’absence de lignes aériennes. On peut louer un kayak et remonter Urauchi pour y découvrir plusieurs de ses trésors. / Alissa Descotes Toyosaki pour Zoom Japon Je m’arrête au pied du pont qui marque l’embouchure de la rivière Urauchi pour louer un kayak malgré la pluie. Au niveau de l’estuaire, l’agence Urauchigawa propose des excursions guidées en bateau et des locations individuelles de kayak sur cette rivière, la plus grande de la ...
