L'heure au Japon


Warning: Attempt to read property "user_login" on bool in /var/www/vhosts/zoomjapon.info/httpdocs/wp-content/plugins/co-authors-plus/template-tags.php on line 129

Parution dans le n°106 (décembre 2020)

Dans le quartier de Shibuya, à Tôkyô, un couple en quête d’un love hotel. / Eric Rechsteiner pour Zoom Japon Dans le seul quartier de Dôgenzaka, on recense quelque 300 love hotels. Une spécificité nippone qui vaut le détour. Dogenzaka, colline située dans le quartier de Shibuya, est un de ces endroits qui ne dorment jamais. Le cinéma Eurospace y projette des films jusque tard dans la soirée et le Club Asia est une des boîtes de nuit les plus réputées de la capitale. Cependant, la plupart des gens qui errent dans le dédale de ses rues étroites sont là pour une autre raison : passer quelques heures ou la nuit dans l’un de ses 300 love hotels.Prenez, par exemple, l’hôtel AREAS. A première vue, on peut confondre sa façade d’un blanc terne avec celle d’un hôtel ordinaire bon marché. Puis on remarque les deux portes séparées – une pour entrer et l’autre pour sortir du bâtiment – et le panneau annonçant les frais de “repos” et de “séjour” – “repos” étant un séjour de deux ou trois heures le matin ou l’après-midi, tandis que “séjour” signifie une nuitée à plein tarif. Ce sont là des signes révélateurs du fait que le sommeil est la dernière chose à laquelle sa clientèle songe.La nouvelle génération des love hotels est bien loin de ressembler aux établissements tape-à-l'œil d’autrefois. L’un des voisins de l’hôtel AREAS, par exemple, possédait une façade rouge vif et des colonnes de stuc qui lui donnaient l’allure d'un croisement entre un restaurant chinois et un temple grec. Hélas, ce lieu, comme beaucoup d’autres, a récemment été démoli et remplacé par un bâtiment moins ostentatoire. Dans le but d’améliorer leur image et de devenir plus respectable, de nombreux établissements ont même changé de nom. En effet, toute la profession préfère désormais être étiquetée soit comme hôtel de loisirs, soit comme hôtel de créateurs. Cependant, la plupart des gens continuent à les appeler rabuho (abréviation de la prononciation japonaise de love hotel, rabu hoteru). Eric Rechsteiner pour Zoom Japon Dans le love hotel AREAS situé à Dogenzaka, on choisit sa chambre sur un écran tactile. / Eric Rechsteiner pour Zoom Japon Revenons à l’hôtel AREAS et pénétrons-y. Un couloir rose nous guide jusqu’à un grand écran tactile avec les photos des différentes chambres et leurs prix. Les chambres qui sont éclairées sont toujours disponibles. Une fois notre choix fait, nous payons à un petit guichet et obtenons la clé de la chambre d'une dame d’âge moyen qui nous rappelle que deux personnes au maximum sont autorisées dans la chambre. Nous ne pouvons qu’apercevoir ses mains, car les love hotels sont synonymes d’intimité et tout est fait pour éviter le contact visuel.Le dimanche après-midi est un moment privilégié pour visiter un établissement de ce type. De nombreuses chambres sont occupées et nous tombons sur un autre couple en sortant de l’ascenseur. La chambre est plutôt petite – plus petite que sur la photo grand angle de l’écran en bas. Elle n’a pas de fenêtre (là encore, pour préserver l’intimité) mais une grande baignoire, un canapé rouge et un miroir en forme de cœur. La télévision grand écran propose de nombreuses chaînes pornographiques, mais il n’y a pas de sex toys en vue et seulement deux préservatifs gratuits.Voilà à quoi ressemble aujourd’hui une chambre sans fioritures à prix moyen. Cependant, comme je l’ai évoqué, les love hotels ont une longue histoire, ils ont connu plusieurs mutations, et il fut un temps où beaucoup d’entre eux ressemblaient à des parcs à thème sexuel au design criard. Mais comment ont-ils fini par ressembler à cela ?Les “lieux d’amour” pouvant être loués à l’heure remontent aux deai chaya (littéralement maisons de thé de rencontre) de la période Edo (1603-1868). Ils étaient plutôt semblables à des maisons closes car surtout utilisés par les geishas ou les courtisanes et leurs clients. Les couples non mariés ordinaires et les adultères devaient se contenter des grands espaces, que ce soit un parc, une rive ou le terrain d’un sanctuaire. Ce n’est que dans les années 1930 que l’ancêtre des love hotels actuels est apparu. Le Japon, comme beaucoup d'autres pays, a été durement touché par la Grande Dépression et de nombreuses entreprises ont dû proposer leurs biens et services à un prix inférieur. Quelqu’un a fini par proposer ce qu’on appelait alors des enshuku (littéralement “logis à un yen”) que les couples ordinaires pouvaient louer à bas prix pour quelques heures plutôt que de payer plus cher pour une nuit entière. Apparemment, l’un des principaux arguments de vente de ces endroits était la possibilité de verrouiller les portes, offrant ainsi un niveau d’intimité inédit. La serrure sur la porte est l’une des nombreuses innovations qui, tout au long de l’histoire, ont fait des love hotels l’avant-garde de l’industrie hôtelière. De nombreux enshuku ont dû fermer ou ont été bombardés pendant la Seconde Guerre mondiale, poussant à nouveau les gens à l'extérieur (le parc devant le palais impérial de Tôkyô et les environs du château d'Ôsaka grouillaient, disait-on, de couples). La reconstruction d’après-guerre a donné naissance aux tsurekomi yado (auberges de passage) dont la grande attraction était les bains privés, un grand luxe à une époque où la plupart des maisons ne possédaient pas de baignoire et où les gens fréquentaient plutôt les bains publics. Ces établissements étaient si populaires parmi les professionnels du sexe, les couples mariés en quête d’intimité et les amoureux divers qu’en 1961, on recensait quelque 2 700 établissements de ce type dans le seul centre de la capitale. Miroir, mon beau miroir. Hotel AREAS, à Dôgenzaka, quartier de Shibuya. / Eric Rechsteiner pour Zoom Japon Les love hotels ont pris leur forme classique dans les années 1960, mais à cette époque, ils étaient appelés moteru ou motels. Ils se situaient principalement en dehors des grands centres urbains (le premier a ouvert en 1963 dans la préfecture d’Ishikawa, sur la mer du Japon) et étaient fréquentés par le nombre croissant de...

Réservé aux abonnés

S'identifier S'abonner

Exit mobile version