
Le prédécesseur du château d’Edo a été construit en 1457 par Ôta Dôkan. / Eric Rechsteiner pour Zoom Japon L’actuel palais impérial, au cœur de la capitale, a connu une longue histoire très mouvementée. De nombreux ouvrages sur Tôkyô se plaisent à souligner que le centre de la ville, autrefois occupé par le château d’Edo, est un vide - une vaste zone où les gens ne sont pas admis et sous laquelle même les rames de métro ne peuvent pas passer. Ce n’est que partiellement vrai, car bien qu’une bonne partie de l’enceinte du palais impérial soit interdite, certaines zones – les jardins de l’Est et de Kitanomaru – sont ouvertes au public et même une petite partie de l’enceinte du palais impérial peut être visitée gratuitement.Pendant des siècles, cet immense lieu (d’une superficie totale de 2,30 km²) a été le siège du pouvoir politique au Japon. En particulier, à l’époque d’Edo (1603-1868), alors que la cour impériale se trouvait à Kyôto, c’est ici, au cœur de la ville qui s’appelait alors Edo, que toutes les décisions politiques étaient prises par le clan Tokugawa et le gouvernement shogunal.Aujourd’hui, une visite du palais impérial peut difficilement rendre compte de l’aspect et de l’atmosphère du lieu d’origine et du type d’activité qui régnait dans et autour de la forteresse des Tokugawa. Le prédécesseur du château d’Edo a été construit en 1457 par Ôta Dôkan, un commandant militaire dont le clan descendait de la famille Minamoto, à la limite orientale du plateau de Kôjimachi. Bien que beaucoup plus petit que le château de Tokugawa Ieyasu(voir pp. 4-10), il s’agissait d’une structure à trois niveaux entourée de douves et dont les différents quartiers étaient reliés par des portes et des ponts.Après la mort d’Ôta lors d’une rébellion en 1486, le château changea plusieurs fois de mains. En 1590, Toyotomi Hideyoshi, alors dirigeant de facto du Japon, conquit Odawara(voir Zoom Japon n°89, mars 2019) pour vaincre le clan Hôjô. Le 30 août de la même année, Ieyasu, son jeune allié, quitta son quartier général de Sunpu (l’actuelle ville de Shizuoka) pour s’installer à Edo. Quelque 200 000 pierres ont été utilisées pour construire les murs des tours du château. / Eric Rechsteiner pour Zoom Japon Selon une histoire populaire, lorsque le futur shôgun arriva, il découvrit que le vieux château d’Ôta Dôkan était tombé en ruine. Quant au reste d’Edo, il se résumait à une centaine de maisons aux toits de chaume. La plaine à l’est du château était couverte d’herbe et était beaucoup plus petite qu’aujourd’hui – l’équivalent de moins de dix pâtés de maisons – car elle se terminait brusquement au bord de la mer. Du côté sud-ouest, un plateau s’étendait à perte de vue en direction de Musashino, tandis qu’au sud du château se trouvait l’anse Hibiya, qui fait partie de l’actuelle baie de Tôkyô. Au début, l’anse était utilisée comme port commercial, mais dans les années 1620, le surplus de terre provenant de la construction a été utilisé pour l’assèchement des terres et cette zone est devenue un quartier de résidence des daimyô (seigneurs féodaux). Aujourd’hui, les douves situées au sud-est du palais impérial seraient des vestiges de l’anse Hibiya.Ieyasu n’a pas perdu de temps pour lancer un programme de construction colossal qui, en 40 ans, a transformé le château d’Edo en citadelle. En 1606, il fit transporter des matériaux de pierre de divers domaines féodaux pour agrandir le bâtiment. L’année suivante, certains daimyô reçurent l’ordre de réparer la tour du château et les murs de pierre. Au final, 800 000 pierres ont été rassemblées dans tout le Japon, dont 200 000 ont été utilisées pour construire les murs des tours du château. Les pierres précieuses d’Izu ont joué un rôle particulièrement important dans la construction du château d’Edo. Presque toutes les pierres des magnifiques murs ont été transportées par bateau depuis le côté ouest de la péninsule d’Izu, située à plus de 100 kilomètres au sud d’Edo.En 1614, Ieyasu annonça le siège d’Ôsaka pour achever la destruction du clan rival desToyotomi, et tous les daimyô, à quelques exceptions près, furent contraints d’y participer. C’est pourquoi, au terme d’une campagne épuisante, les travaux de construction ont été interrompus pendant trois ans. En 1618, cependant, le projet a repris et s’est étendu à une conception de plus en plus vaste. En 1636, par exemple, un total de 120 familles, dont 62 daimyô chargés des murs de pierre et 58 daimyô chargés des douves, ont fouillé la zone allant d’Iidabashi à Yotsuya et Akasaka, dans ce qui est aujourd’hui le centre de la capitale. A la fin du projet, le château d’Edo était devenu la plus grande forteresse du Japon et, pendant environ 260 ans, il a été le siège du gouvernement shogunal, l’endroit où quinze shôgun Tokugawa et leurs vassaux menèrent leurs affaires. Hélas, cet effort herculéen a été réduit à néant en 1657, lorsqu’une grande partie de la structure du château, y compris le donjon, a été détruite par le grand incendie de Meireki, qui a duré trois jours, ravagé 60 à 70 % de la ville et tué, selon les estimations, plus de 100 000 personnes. Ce n’est même pas la seule catastrophe qui a frappé l’endroit. En effet, des parties du château ont été détruites à plusieurs reprises par des incendies ou des tremblements de terre et reconstruites au fil des ans.Le château était une structure complexe, semblable à un labyrinthe, composée de 25 murs extérieurs, 11 murs intérieurs et 87 bâtiments. Parmi eux, le palais Honmaru jouait un rôle central en tant que résidence du shôgun et centre névralgique de la bureaucratie des Tokugawa. Divisé en trois parties, l’avant était la salle d’audience du shôgun et abritait les bureaux de divers fonctionnaires ; le milieu était l’espace de vie du shôgun ; et la partie intérieure – le légendaire Ooku...
