
Sans la création de ce lien entre la mer du Japon et l'ancienne région impériale, la gastronomie japonaise n'aurait sans doute pas atteint le niveau de raffinement qui fait sa renommée mondiale et les préfectures de Fukui et de Shiga n'auraient pas connu une telle flamboyance. Grâce à sa situation géographique, les préfectures de Fukui et de Shiga situées entre la mer du Japon et Kyôto, ont bénéficié de la richesse des produits de la mer mais aussi des marchandises venues du nord. A compter du XVIIIe siècle, les Kitamaebune, littéralement les bateaux venus du nord, ont contribué au renforcement économique et culturel local. Ils ramenaient notamment les algues kombu, du poisson, du riz, des peaux en provenance des régions septentrionales pour ensuite être déchargés à Tsuruga afin de transporter via le lac Biwa vers Kyôto. Ce commerce est venu s’ajouter à celui du maquereau et des fruits de mer pêchés dans la mer du Japon à destination de la capitale impériale par voie terrestre. Baptisée route de Wakasa (Wakasa kaidô), elle est aussi connue sous le nom de la route du Maquereau (Saba kaidô). De nombreuses traces subsistent aujourd'hui que ce soit à Kumagawa ou Kutsuki. En la parcourant, on saisit à quel point son existence a été cruciale pour le rayonnement de Kyôto, en particulier sur le plan culinaire. La route de Wakasa, qui trouve son origine dans la préfecture de Fukui, est avant tout une affaire de goût. Ce n'est pas Okui Takashi qui prétendra le contraire. Le patron d'Okui kaiseidô implanté à Tsuruga en sait quelque chose puisque sa principale activité est le commerce du kombu. Et pas n'importe lequel, le "meilleur du Japon", dit-il avec fierté. Cette algue, ingrédient indispensable dans le dashi, ce bouillon qui sert de base à de nombreux plats de la cuisine japonaise, provient de Hokkaidô. Pendant plusieurs centaines d'années, ce sont les Kitamaebune, ces navires de transport, qui ramenaient la précieuse marchandise avant que celle-ci soit envoyée vers Kyôto où les grands cuisiniers ont su la sublimer. M. Okui commercialise toutes sortes de kombus récoltés dans l’ensemble de Hokkaidô. Il n'hésite pas à le comparer aux grands crus des vins français, estimant que sa finesse permet de créer des mets d'une rare qualité. Héritier d'une longue tradition, il incarne cette classe de marchands qui ont permis à la ville de Tsuruga de s'enrichir comme témoigne le magnifique bâtiment de l'ancienne banque Owada transformé désormais en musée à la gloire des Kitamaebune. D'autres produits ont transité par Tsuruga et Obama, l'autre port de la région, avant de prendre le chemin de Kyôto. En premier lieu, le maquereau que l'on pêchait en grande quantité en mer du Japon. Son commerce a pris une telle ampleur que les Japonais ont fini par baptiser la route de Wakasa, route du Maquereau. C'est dans le quartier commerçant d'Izumi, à Obama, à 5 minutes de la gare que se trouve le point de départ de cette fameuse route. Une plaque et un petit musée rappellent l'importance des échanges avec l'ancienne capitale impériale qui ont permis à toute la région de connaître une longue période de croissance. Le parcours des quelque 60 kilomètres jusqu'à Kyôto s'effectuait alors à pied, à cheval ou en bateau lorsque les transporteurs choisissaient de profiter du lac Biwa pour gagner du temps. Quel que soit le mode de transport choisi, une bonne partie du trajet était terrestre et supposait quelques étapes. Parmi elles, Kumagawa a conservé sa physionomie d'antan. Au milieu des maisons anciennes parfaitement conservées et entretenues, il est très facile de se laisser entraîner dans le passé et de s'imaginer revivre à l'époque où la rue principale voyait passer jusqu'à 1 000 chevaux par jour chargés de marchandises en tout genre. Le musée d'histoire locale implanté au cœur de ce site plein de charme rappelle à quel point Kumagawa a été un relais important entre Tsuruga et Kyôto, favorisant aussi l'approfondissement de leurs liens sur le plan culturel et religieux. La route de Wakasa ne se limite en effet pas aux seules nourritures terrestres. Elle possède une dimension spirituelle que deux sites parmi beaucoup d'autres illustrent parfaitement : le sanctuaire Jingû-ji et le temple Mantoku-ji. Ces deux trésors architecturaux soulignent avant tout l'existence d'une très longue relation entre les villes impériales de Nara et de Kyôto et la préfecture de Fukui. C'est ainsi que se déroule au Jingû-ji...
