
Le réalisateur de Nuclear Nation veut aider les populations de Fukushima à récupérer leur droit de vivre comme les autres. La première projection de Nuclear nation s'est déroulée dans le lycée de Kisai, près de Tôkyô, le 11 mars 2012, un an jour pour jour après la triple catastrophe. Trois cent refugiés nucléaires du village de Futaba y ont assisté. “Le titre original Futaba kara tôku hanarete [Très loin de Futaba] exprime l’éloignement des habitants de leur ville mais aussi la prise de distance des Japonais par rapport à ce qui se passe à Fukushima”, explique le réalisateur Funahashi Atsushi. L’histoire se déroule comme un thriller psychologique où les protagonistes sont pris au piège de leurs propres illusions et celles de toute une nation. Le mythe de la sécurité nucléaire a fait construire 54 réacteurs dans l’archipel dont deux dans le bourg de Futaba, ville fantôme située à 3 km de la centrale de Fukushima Dai-ichi. Actuellemement, 70 000 habitants de la préfecture de Fukushima ont été évacués de force ou de plein gré. Eparpillés à travers tout le Japon, ils n’ont plus de terre. Leur destin de réfugiés nucléaires est éclairé par le faible espoir qu’un jour le Japon marchera sans cette énergie destructrice. Alissa Descotes-Toyosaki Le film a été projeté pour la première fois dans une salle de judo du lycée de Kisai le 11 mars 2012. Quelle a été la réaction des habitants de Futaba ? Funahashi Atsushi : Beaucoup de gens, en particulier des personnes âgées, ont revu pour la première fois leur ville à travers le film. C'était extrêmement émouvant. La ville de Futaba est située en plein cœur de la zone interdite. Elle est extrêmement contaminée. On a autorisé juste quelques familles à y revenir quelques heures pour récupérer leurs affaires. Le jour de la commémoration, tout le monde a regardé le film puis s’est réuni dehors pour observer une minute de silence. L’affiche japonaise du film (à droite ci-dessous) a été prise juste avant ce moment-là. Avez-vous eu aussi des critiques ? F. A. : Oui, il y avait des grand-mères qui étaient choquées de voir des hommes filmés torse nu, en train de boire du saké la journée dans le centre de refuge ! D’autres auraient voulu que je montre aussi la vie des habitants de Futaba dispersés dans le reste du pays. Mais à part ça, le maire et tous les gens présents étaient d'accord sur le fait que ce film devait être montré au monde entier. C'est le maire en personne qui a organisé cette première projection nationale, avant cela le film n'avait rien d'officiel. Il avait été diffusé en février au festival international de Berlin, mais pas au Japon. C’est avec l’accord de tout le monde que j’ai décidé de distribuer le film au niveau national. Comment s’est déroulé la réalisation du film ? F. A. : Au début, on parlait tout le temps dans les médias de Fukushima et du tsunami comme une seule catastrophe. Je crois que c’est à partir de cet instant que je me suis dit qu’il fallait traiter la question du nucléaire à part. J’ai commencé à filmer à partir du 30 mars quand plus de 1400 personnes de Futaba sont arrivées dans ce lycée désaffecté, à 250 km de chez eux. Nous étions 40 ou 50 représentants des médias à filmer et photographier partout. Au début, j’étais moi aussi en situation d’étranger puis petit à petit, je me suis fait accepter par des familles qui m’ont invité dans leur chambre à manger et à boire. J'ai été le seul journaliste à avoir ce privilège. Le tournage s'est fait sur la durée jusqu'en décembre. Il a fallu énormément de temps pour gagner la confiance des gens. On était en plein débat sur le nucléaire. Pendant que la nation discutait de tout ça, les réfugiés de Fukushima étaient abandonnés à leur sort. C'est le processus de cet oubli que j'ai voulu filmer. A partir de quel moment vous êtes-vous rendu à Fukushima ? F. A. : Au début, je voulais faire un film sur les réfugiés de Fukushima sans aller à Fukushima. La radioactivité est une chose dont on doit s’éloigner, mais on ne sait pas de combien : 10, 20,100 km ? Les gens de Futaba ont été évacués à 250 km. Je pense...
