L'heure au Japon

Parution dans le n°62 (juillet 2016)

Mer bleue, randonnée, et bain avec superbe vue. Rien de cela n’évoque le sombre passé de Hachijô quand l’île était un lieu de déportation jusqu’au XIXe siècle. En effet, près de deux mille criminels de l’époque d’Edo (1600 - 1868) ont purgé ici leur peine en regardant avec nostalgie vers le rivage lointain où ils avaient laissé leur vie et famille. Certains ont tenté de fuir, mais “dans cette prison naturelle formée par les falaises, le gouverneur de l’époque n’avait pas grand chose à faire pour empêcher les évasions à part la surveillance des bateaux”, raconte Tamura Yoshinori, employé du Musée d’histoire et du folklore de Hachijô. Même s’ils réussissaient à prendre le large, le puissant courant de Kuroshio, baptisé “fleuve noir” par les locaux, leur barrait la route. Au cours des trois siècles, on a recensé onze tentatives d’évasion, mais seule la bande de la prostituée Osakaya Kachô et de son amant Kisaburô ont réussi à s’enfuir. Ils se sont réfugiés chez les parents de Kachô, avant d’être arrêtés et exécutés par le régime en 1839. Les registres historiques ne détaillent pas plus leurs vies, mais cette escapade a marqué les esprits. Ainsi, on retrouve le nom de Kachô et de Kisaburô dans des œuvres littéraires. Ce passé n’a presque pas laissé de traces visibles pour les touristes, mais la distance qui sépare Hachijô de l’île principale reste toujours d’actualité. C’est en effet elle qui, avec le climat tropical, a façonné la culture particulière de Hachijô. Le Shima-zushi, “sushi de l’île” que la population locale mange avec de la moutarde, en est un exemple. “D’abord, on marine les filets de poissons dans la sauce de soja”, explique Fukuda Eiko, 77 ans, qui tient l’auberge Garden So. Le sel contenu dans la sauce retarde la décomposition, et la moutarde “rehausse à la fois le goût du poisson et du riz assaisonné de sucre”. Alors pourquoi n’utilisent-ils pas du wasabi ? “Mon père en a tenté la culture dans l’île, mais il a fini par y renoncer. Il fait trop chaud ici”, poursuit-elle. Autrefois, ce plat, dont les touristes raffolent le soir dans les izakaya (bar japonais), relevait du luxe absolu, la terre montagneuse et les nappes d'eau souterraines limitées ne permettaient pas de produire assez de riz. “On en préparait uniquement pour les occasions spéciales, comme lors de fêtes saisonnières ou un départ pour...

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