L'heure au Japon

Parution dans le n°149 (avril 2025)

Posée sur l'océan Pacifique, à 11 heures de bateau du sud de Kyûshû, l'île de Kikai réserve bien des surprises. / Eric Rechsteiner pour Zoom Japon Située entre Kyûshû et Okinawa, l'archipel d'Amami ne manque pas de charme à l'instar de cette île. Au visiteur étranger qui s’aventure sur cette petite île de l’archipel d’Amami, il est souvent demandé : “mais qu’êtes-vous donc venu faire à Kikai, il n’y a rien ici !? Même les Japonais ne viennent pas !”Il est vrai que Kikai est une île qui se mérite. Le ferry qui la relie cinq fois par semaine à partir de Kagoshima, quitte le grand port du sud de Kyûshû à 17h30 pour n’arriver que le lendemain à 4h30. Onze heures sur une mer souvent très agitée pour se retrouver au petit matin sur une île encore plongée dans le noir et endormie.L’archipel d’Amami est un groupe d’îles formant la partie nord des îles Ryûkyû, entre Kyûshû et Okinawa. L’île de Kikai a fait partie du royaume de Ryûkyû jusqu’en 1609, date à laquelle elle est passée sous domination du domaine de Satsuma. En 1871, après l’abolition du système des domaines féodaux, l’île a rejoint la préfecture de Kagoshima. Malgré de belles falaises recouvertes d’une végétation dense, Kikai est une île corallienne relativement plate, en témoigne son point culminant situé à 214 mètres au-dessus du niveau de la mer. Le fameux gajumaru qui a été choisi comme symbole de l'île. / Eric Rechsteiner pour Zoom Japon Les îles de la chaîne d’Amami sont communément classées par leurs habitants en deux catégories : celles, majoritaires, où le redoutable habu, une grande vipère venimeuse, est endémique et celles qui, comme Kikai, n’ont pas à se soucier des serpents. Autrefois, les décès dus à une morsure de habu étaient fréquents. Son venin, actif en permanence, peut entraîner la perte d’un membre même plusieurs décennies après la morsure, et ce malgré les traitements. Le habu, qui peuple tout l’archipel des Ryûkyû, fut auparavant révéré comme un dieu de la forêt, symbole de la connexion sacrée des îles avec la nature. Mais de nos jours, la préfecture de Kagoshima encourage l’élimination des serpents, qui jouent pourtant un rôle important dans la chaîne alimentaire, en offrant 3 000 yens par prise. Les habu sont aussi considérés comme les protecteurs des forêts et de la nature dans le sens où ils ont longtemps empêché l’homme d’y pénétrer. Les îles où règnent les serpents ont conservé de grandes forêts primaires, d’une exceptionnelle diversité écologique. Au contraire, l’absence de habu à Kikai a permis à l’agriculture de se développer et l’île a été transformée au fil du temps par et pour les agriculteurs.Ses terres arables, riches en minéraux, permettent de produire du sésame blanc, dontKikai s’enorgueillit d’être le premier producteur national, d’excellentes bananes, des fruits tropicaux, mangues ou fruits de la passion et, surtout, de la canne à sucre. Autrefois, cette dernière était produite pour le fief de Satsuma, tant et si bien que les habitants d’Amami qui la produisaient n’avaient pas le droit d’en goûter le sucre. La grande majorité de la surface de la petite île, qui ne fait que treize kilomètres de long et quatre de large, est aujourd’hui consacrée à la production de sucre de canne. D’importants fonds publics ont été investis dans la construction d’un système d’arrosage complexe et de larges réservoirs d’eau pour cette mono-culture, imposée par le gouvernement pour des motifs de rentabilité économique. Contrairement au riz ou aux cultures de subsistance, qui ont progressivement disparu, la canne à sucre résiste bien aux typhons, très réguliers à Amami. Même après le passage de la pire des tempêtes, il est encore possible de récolter la plus grande partie des cannes couchées à terre par les vents violents. Le sanctuaire Sumiyoshi d'Aden. / Eric Rechsteiner pour Zoom Japon Le paysage typique de Kikai est donc constitué de vastes champs rectilignes de cannes, une belle plante qui atteint plus de deux mètres de hauteur. La culture artisanale de sésame blanc est une des autres traditions locales, mais la plante est elle, très sujette aux intempéries, et les quantités produites relativement modestes. Ainsi les confiseries à base de sésame, omiyage (souvenir) populaire de l’île, sont confectionnées avec du sésame importé du Pérou ou de Bolivie. Si l’agriculture a prospéré, c’est aux dépens du milieu naturel, la préservation de l’environnement n’ayant jamais été une priorité.Longtemps considérées comme le bien le plus précieux de l’île, presque toutes les sources naturelles d’eau sont aujourd’hui polluées par les pesticides, ne laissant qu’une seule encore potable, ...

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