L'heure au Japon

Parution dans le n°20 (mai 2012)

L’éditeur Philippe Picquier a eu la riche idée de rééditer Nuages flottants, le magnifique roman signé Hayashi Fumiko. Quand on évoque en France le titre Nuages flottants (Ukigumo), la première chose à laquelle on pense, c'est le film de Naruse Mikio. Sorti en 1955 au Japon, il est devenu l'une des références dans l'œuvre du cinéaste et on a fini par oublier qu'il s'agissait de l'adaptation d'un roman, celui de Hayashi Fumiko. A notre décharge, il faut dire que sa traduction française n'est intervenue que tardivement, en 2005, lorsque les Editions du Rocher avaient inauguré une collection consacrée à la littérature japonaise des années 1950-1960 si méconnue en France. Malheureusement, malgré la qualité des titres et le soin apporté à l'édition, les livres publiés parmi lesquels Nuages flottants de Hayashi Fumiko n'ont pas eu le succès escompté et leurs parutions sont restées bien trop confidentielles. Voilà pourquoi il faut se réjouir de la réédition en format de poche, chez Philippe Picquier, de ce chef-d’œuvre. Le terme pourrait sembler exagéré, pourtant c’est bien de cela qu’il s’agit. On y trouve tous les ingrédients qui amènent le lecteur à se sentir mal quand il doit suspendre sa lecture. L’histoire tragique de Yukiko nous émeut, car elle se déroule dans un cadre tout aussi dur, celui du Japon de l’immédiat après-guerre. Fraîchement rapatriée d’Indochine où elle a vécu une passion amoureuse intense avec un homme rentré avant elle dans l’archipel, elle découvre avec effroi ce qu’est devenu son pays. “Elle aussi, debout, serrée contre la foule, observait autour d’elle ces visages de perdants, marqués par la défaite. Les physionomies de tous les passagers paraissaient blêmes, vidées d’énergie. Ces masques sans défense se superposaient les uns aux autres dans les wagons étroits, comme dans un convoi d’esclaves”, peut-on lire dans les premières pages, tandis que la jeune femme emprunte un...

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