L'heure au Japon

Parution dans le n°108 (mars 2021)

Quelle que soit la saison, on ne peut qu’être émerveillé par la beauté des lieux traversés par ce train. / © Ken Hoshi Située à cheval entre les préfectures de Fukushima et de Niigata, elle offre des paysages à couper le souffle. Il est à peine six heures du matin. Pourtant, déjà une trentaine de photographes prennent position le long du grand point de vue. Officiellement connu sous le nom de “point de vue n°1 du pont de la rivière Tadami”, il est situé en hauteur au-dessus de cette dernière à Oku Aizu dans la préfecture de Fukushima. Le soleil ne s’est pas levé depuis assez longtemps pour brûler les brumes matinales qui enveloppent les montagnes boisées entourant la rivière. Les brumes fluviales qui dérivent font partie de la vie le long de la rivière Tadami. Selon la tradition locale, elles sont l’œuvre de dieux de la montagne qui changent de forme et qui errent dans la brume.Tous les yeux et toutes les caméras sont braqués sur le pont n°1 de la rivière Tadami, élégamment voûté, qui se trouve en contrebas. Puis, avec une exquise ponctualité, apparaît le spectacle que nous attendions tous. Du côté droit du pont, un train vert et blanc, long de deux wagons seulement, émerge de la forêt. Immédiatement, le calme matinal s’installe avec le bavardage rapide de dizaines d’appareils photo réglés sur le mode de prise de vue continue. Au milieu de la brume, la silhouette fantomatique du petit train. / © Ken Hoshi La ligne de chemin de fer Tadami traverse sur 135 kilomètres la région du Tôhoku, la partie la plus septentrionale de la principale île de Honshû. La ligne relie la ville historique d’Aizu Wakamatsu, célèbre pour son château, dans la préfecture de Fukushima, à Koide, dans celle de Niigata. Elle traverse des paysages sublimes et des villages isolés. Sujette à certaines des plus fortes chutes de neige du Japon, la région est dominée par les montagnes, les forêts et les lacs. C’est la terre que le poète de haïku Matsuo Bashô a décrite dans son livre L’Étroit chemin du fond (Oku no Hosomichi, trad. et commentaire Alain Walter, éd. William Blake, 1689).Le Tôhoku est la destination idéale pour tous ceux en quête de nature qui souhaitent échapper aux foules que l’on associe habituellement au Japon. Un maigre 2 % des visiteurs étrangers se sont aventurés jusqu’ici en 2019. La plupart des étrangers ne connaissent que Fukushima comme le site du tremblement de terre et du tsunami qui ont dévasté certaines parties de la région le 11 mars 2011.Si Oku Aizu a été épargnée par les effets du “séisme”, la même année, il a subi une catastrophe naturelle qui lui est propre. De violentes tempêtes, entraînant des inondations ont détruit trois des ponts le long de la ligne Tadami. Le coût astronomique de leur réparation, associé à la diminution de la population de la région, a amené les autorités à conclure que la restauration des ponts n’était pas viable. De nombreux habitants de la région n’étaient pas non plus disposés à voir leurs impôts dépensés pour la réparation de ces ouvrages d’art.A ce jour, six gares restent fermées suite aux dégâts causés par les inondations, obligeant les passagers à descendre du train et à faire un trajet d’une heure en bus sur le tronçon entre les villes d’Aizu Kawaguchi et de Tadami. Si les touristes étaient rares avant les inondations, ils risquent maintenant de disparaître complètement, laissant Oku Aizu se languir dans les brumes de la rivière Tadami, également oubliée. Hoshi Ken, sur la photo, a également beaucoup œuvré pour relancer les traversées de la rivière Tadami avec les embarcations à fond plat. / © Yumiko Nishitani/Sakura Public Relations C’est alors qu’une chose remarquable s’est produite. Hoshi Ken (qui présente ses travaux sous le nom Ken Hoshi), résident de la région depuis le début des années 1970, était depuis longtemps convaincu qu’Oku Aizu avait un énorme potentiel touristique. Il la photographie 300 jours par an depuis 25 ans, capturant entre autres la vue magique du petit train Tadami qui sillonne les vallées brumeuses, les forêts enchantées et les montagnes imposantes, sur un fond de neige hivernale profonde, les fleurs de cerisiers au printemps, les brumes estivales et les feuillages automnaux. Dans une démonstration inspirante ...

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