L'heure au Japon

Parution dans le n°16 (décembre 2011)

Une croisière dans la baie de Tôkyô, ça vous tente ? Une excellente façon de voir la ville autrement. Lorsqu’on évoque le nom de Tôkyô, on pense immédiatement à tous ces quartiers qui donnent à la capitale japonaise son attrait. Qui n’a pas rêvé d’aller arpenter les rues de Ginza ou de Shibuya pour découvrir les dernières tendances vestimentaires ? Qui n’a jamais été tenté de se promener à Akihabara pour s’immerger dans la culture pop japonaise ? Qui enfin n’a pas imaginé de partir à la découverte d’Asakusa ou de Shinjuku pour passer quelques bons moments dans l’un des nombreux lieux de détente que ces deux quartiers proposent ? Si tous ces endroits restent très achalandés et continuent à attirer des nombreux touristes japonais et étrangers, il en existe d’autres qui attisent la curiosité d’un nombre croissant de Japonais et de Tokyoïtes. Ces derniers souhaitent en effet voir la capitale autrement et répondent présents aux initiatives lancées par des amoureux de la cité qui leur donnent la possibilité de la découvrir sous un nouveau jour. On oublie souvent de rappeler que Tôkyô est avant tout une ville d’eau. Non seulement elle est un port important, mais elle est aussi traversée par d’innombrables rivières et canaux. Même si la Sumida nous rappelle quelques souvenirs, on a fini par se dire que les fleuves de la capitale avaient été asséchés et remplacés par des autoroutes. Pourtant de nombreux quartiers comme Nihonbashi ou Edobashi sont encore là pour nous rappeler que l’eau est bien présente (bashi, hashi signifient pont en japonais). Lorsqu’on se penche contre la rambarde de l’un des nombreux ponts qui jalonnent la ville, on peut apercevoir de temps en temps de modestes bateaux remplis de touristes le nez en l’air en train d’observer l’architecture étonnante des échangeurs d’autoroutes dont les piliers sont enfoncés profondément dans le lit de la rivière. Apparues au début des années 1960 alors que Tôkyô s’apprêtait à accueillir les Jeux olympiques de 1964, ces structures d’acier ont suscité à l’époque de nombreuses critiques de la part de ceux qui voyaient en elles des instruments pour défigurer leur ville. Malgré leurs protestations, elles ont été construites et on a fini par s’y habituer sans pour autant y prêter plus d’attention. Symboles du développement du pays quand celui-ci s’apprêtait à rejoindre le club des grandes puissances économiques de la planète, ces autoroutes font depuis quelques mois l’objet d’un certain culte. On a vu l’écrivain Murakami Haruki s’en emparer pour en faire le point de départ de son roman 1Q84 [éd. Belfond], mais surtout on constate un accroissement rapide des offres de croisières sur les rivières et les canaux de la capitale au cours desquelles les passagers découvrent avec étonnement et ravissement l’envers de ces constructions a priori peu attrayantes. Faut-il y voir une forme de nostalgie à l’égard d’un Japon dynamique qui depuis des années s’est enfoncé dans la crise ? C’est une explication qui tient la route quand on connaît l’engouement des Japonais pour les années 50-60 qui incarnent à leurs yeux l’une des périodes les plus heureuses du pays malgré des conditions de vie pas toujours réjouissantes. Au-delà de ce besoin de se replonger dans un passé susceptible d’entretenir le mythe d’un Japon aujourd’hui disparu, les touristes qui participent massivement à ces croisières viennent aussi découvrir l’architecture industrielle de Tôkyô.                         “C’est une façon vraiment originale d’appréhender ma ville”, explique Yôko. Cette jeune femme de 28 ans est accompagnée de trois amies bien décidées à profiter de cette croisière pour faire des découvertes. La clientèle féminine est d’ailleurs assez nombreuse et représente près de la moitié de la clientèle, ce qui n’a pas manqué d’étonner les organisateurs qui s’attendaient à avoir principalement des hommes plus âgés. “Cette présence féminine illustre bien que c’est un sujet qui touche le plus grand nombre. Grâce à ces croisières, les passagers prennent la mesure réelle de la ville. Ce n’est pas comme dans...

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