L'heure au Japon

Parution dans le n°99 (avril 2020)

Vous avez aussi écrit, en vous appuyant sur des enquêtes d’opinion, que les femmes se sentent plus heureuses que les hommes. Pourtant leur place ne s’est guère améliorée en dépit des discours officiels. Comment expliquez-vous cela ? M. J. : En ce qui concerne la parité entre les hommes et les femmes, le Japon occupe effectivement la 121e place (sur 153 pays) dans le Global Gender Gap Report 2020 publié par le Forum économique mondial. Il se situait au 110e rang en 2018 ; il y a donc eu un recul. Les Japonaises sont en bonne place pour la santé, l’espérance de vie ou l’accès à l’éducation, mais le fossé demeure pour ce qui est de leur participation politique et économique. Mes étudiantes m’ont souvent dit qu’elles n’avaient jamais ressenti de sexisme avant de chercher du travail. Il est clair qu’un recruteur n’aurait jamais l’idée de demander à un jeune homme s’il a l’intention de se marier et d’avoir des enfants, alors que les jeunes filles sont encore parfois acculées à répondre à ce genre de questions, au demeurant parfaitement déplacées… Le scandale des notes manipulées, dans plus d’une dizaine de facultés de médecine pour écarter les femmes de la profession, sous prétexte qu’elles allaient se marier et procréer, montre combien les mentalités sont encore à la traîne. Dans une enquête qui a fait suite à cette affaire, 14 % des étudiantes en médecine ont révélé qu’elles étaient encore interrogées à l’oral de l’examen d’entrée sur la manière dont elles envisageaient de concilier un travail très prenant avec la procréation. Quelles que soient les circonstances, elles se trouvent souvent face à un mur d’incompréhension. Ce fut le cas d’Osakabe Sayaka qui a fini par arrêter de travailler au terme de deux fausses couches imputables au surmenage, et qui a créé depuis un groupe de réflexion pour lutter contre le harcèlement maternel (mataha). Elle raconte qu’elle était constamment harcelée par des collègues plus âgés qui lui reprochaient de mettre en péril la vie de son bébé à venir en continuant à travailler… Avant de promouvoir une société où les femmes puissent “briller”, il faudrait faire évoluer les mentalités, car, comme le disait l’anthropologue Yamaguchi Tomomi dans le Japan Times en 2014, “les femmes n’intéressent [le gouvernement] que pour pallier à la pénurie de main-d’œuvre ou pour repeupler le pays…” Je ne peux m’empêcher d’observer qu’au moment...

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