L'heure au Japon

Parution dans le n°83 (septembre 2018)

Pour parvenir à maîtriser parfaitement l’ensemble des éléments indispensables à la création de son personnage principal capable de choisir, selon la requête de ses clients, le bon papier, le bon style ou encore le bon instrument d’écriture, l’écrivain s’est à la fois fiée à sa propre expérience, mais elle a également mené de nombreuses recherches afin de donner à son récit toute la crédibilité requise. Car on ne s’improvise pas écrivain public, surtout pas au Japon où la maîtrise de la calligraphie est impérative. Hatoko en témoigne : “Arriver à maîtriser l’écriture des cinquante hiragana et autant de katakana m’a bien demandé deux ans, je crois. C’est à partir de l’été de ma troisième année d’école primaire que j’ai vraiment commencé à m’exercer à tracer des caractères chinois, des kanji. (…) A la différence des hiragana et des katakana dont le nombre est limité, il y a une infinité de kanji. C’est comme un voyage sans fin ni but. C’est ainsi que j’ai passé mes années d’écolière à calligraphier sans arrêt.” Elle le fait sous le contrôle sévère de sa grand-mère, “l’Aînée”. Il se dégage aussi du roman d’Ogawa Ito, les notions d’héritage et de transmission d’un savoir-faire que l’on retrouve souvent au Japon dans de nombreux métiers d’art. Le rapport de maître à disciple existe dans de nombreux secteurs, y compris dans celui d’écrivain public. L’auteur décrit, avec force, cette relation déterminante sans laquelle rien ne serait tout à fait possible. “J’écoutais les explications de l’Aînée en faisant de mon mieux pour contenir mon impatience. Je devais être surexcitée car ce jour-là, je ne sentais même pas les fourmis dans mes jambes. Enfin, il a été temps de préparer l’encre. Avec la verseuse, j’ai déposé quelques gouttes d’eau sur le mont de ma pierre à encre. Fabriquer de l’encre ! J’attendais ce moment depuis longtemps. J’adorais la sensation froide du bâton d’encre entre mes doigts. J’avais toujours rêvé d’essayer”, raconte Hatoko qui se souvient de ce jour où, pour ses 6 ans, sa grand-mère lui offrit sa première leçon. Cet apprentissage difficile et exigeant ne se fait pas sans heurts, mais il crée un lien inaltérable entre les générations. Ogawa Ito y attache beaucoup d’importance. “J’emploie volontiers le mot japonais “tsunagari” (lien)”, explique l’écrivain qui met ainsi en évidence “le lien entre les gens, la façon dont ils interagissent”. “Ce n’est pas...

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