
Objet de toutes les attentions, le volcan en sommeil depuis 1707 est désormais sur les listes de l’Unesco. Visite guidée. Le 22 juin dernier, la plupart des quotidiens japonais ont publié une édition spéciale pour annoncer la décision de l’Unesco d’inscrire le Mont Fuji sur la liste du Patrimoine mondial de l’humanité. Cela faisait près de 20 ans que le dossier avait été déposé devant l’institution internationale. Dans un premier temps, les Japonais avaient cherché à le faire enregistrer sur la liste des sites naturels, mais le développement de son exploitation touristique et l’accumulation de déchets sur ses flancs ont eu raison de cette tentative. Finalement, c’est la dimension culturelle du site qui a été retenue par l’Unesco, considérant son importance comme lieu sacré et source d'inspiration artistique. Il est vrai que le volcan est un élément incontournable dans l’histoire du pays comme l’atteste sa présence dans de nombreuses œuvres littéraires, poétiques ou picturales. Tout le monde a en tête la fameuse série d’estampes signées Katsushika Hokusai présentant les Trente-six vues du Mont Fuji. Les 46 réalisations du maître ont ainsi contribué à imprimer dans les esprits de tous que le volcan était le point de repère du Japon même si pendant des siècles sa présence dans les œuvres était minimisée pour laisser apparaître au premier plan le château d’Edo. Au début du XVIIème siècle, le Mont Fuji n’est encore qu’une montagne éloignée pour beaucoup d’habitants de la capitale politique du pays. C’est un repère pour les voyageurs qui empruntent la fameuse route du Tôkaidô pour se rendre à Kyôto, lieu de résidence de l’empereur. Dans les œuvres de l’époque, sa présence est relativement discrète. Ce n’est qu’à partir de la seconde moitié du siècle suivant qu’il prend de l’envergure. Cela correspond au déclin relatif du château qui a perdu sa splendeur d’antan. Son donjon de 60 mètres construit en 1607 est détruit par un incendie cinquante ans plus tard et n’a jamais été reconstruit, offrant l’opportunité au Mont Fuji de s’imposer comme la référence visuelle. Le passage de flambeau est évident dans Croquis des magasins Mitsui dans la rue Suruga à Edo (Kōto Suruga-chô Mitsui Miseryakuzu) que Hokusai réalise aux alentours de 1830. Le regard est attiré vers le volcan et son sommet enneigé placés au centre de la composition tandis que le château d’Edo est perdu au milieu des pins juste en-dessous. Une trentaine d’années plus tard, un autre maître de l’estampe Utagawa Hiroshige publie ses fameuses Cent vues d’Edo (Meisho Edo Hyakkei) parmi lesquelles on retrouve la rue Suruga. Les magasins Mitsui sont toujours présents tout comme le volcan qui occupe une place bien plus imposante en émergeant de la brume. Le château a totalement disparu. La fin du shogunat est proche, il est temps de tourner la page. Le Mont Fuji, dont la dernière éruption remonte à 1707, en impose davantage que le pouvoir des hommes, d’autant que depuis des siècles, il est objet de dévotion puisqu’il serait habité par des divinités. “Le Fuji, comme la poésie, aspire au ciel et on ne sait jamais bien s’il appartient à ce monde ou à l’autre, peut-être est-il un mystérieux kami (divinité) ?” se demande Fosco Maraini dans son admirable Japon (Arthaud, 1959). C’est sans doute pour cette raison que les hommes le vénèrent tant et lui consacrent des sanctuaires pour apaiser sa colère et veulent communier avec lui, en accomplissant son ascension. La première remonterait à 863 et aurait été le fait d’un moine bouddhiste dont le nom ne nous est pas parvenu. Au XIIème siècle, son activité volcanique se calme et le Mont Fuji devient le centre du shugendô, une pratique spirituelle qui met l’accent sur les relations de l’homme avec la nature. Un moine du nom de Matsudai construit à son sommet le temple Dainichi-ji. Les premiers pèlerinages sont organisés. Peu à peu, le nombre de pèlerins augmente. Son ascension n’est pas aisée. Aussi voit-on apparaître dans les différentes cités de l’archipel des répliques en miniature du mont sacré destinées à ceux qui ne pouvaient pas le gravir dans la réalité. Le culte du Mont Fuji prend de l’ampleur avec Hasegawa Kakugyô qui en fait le cœur de sa doctrine. La secte shintoïste Fujikô qui s’en réclame gagne en popularité et encourage les pèlerinages au sommet, mais aussi vers les sites entourant le volcan. A la fin du XIXème siècle,...
