
Shôdoshima et la mer Intérieure vues depuis Goishizan. / Eric Rechsteiner pour Zoom Japon Située à une heure de Takamatsu, l’île, qui a abrité jusqu’à 400 brasseries, cherche de nouveaux débouchés. Que vous soyez amateurs de cinéma, d’huile d’olive ou de sauce soja, les raisons de se rendre à Shôdoshima ne manquent pas. Et pour peu que vous ne soyez venu que pour assouvir une seule envie, il est fort probable que vous aurez envie de vous intéresser aux autres charmes de cette île située au large de Shikoku, à une heure de Takamatsu en ferry. La traversée de la mer Intérieure est en soi déjà une bonne raison d’y aller car elle permet de saisir toute la beauté de cette région et de profiter du spectacle de toutes ces îles que le bateau croise sur sa route le menant à Tonoshô, le principal port desservi de l’île. La crise sanitaire a perturbé les liaisons avec Shôdoshima, puisque l’autre port de l’île, Sakate, a été quelque peu négligé alors qu’il dessert sa partie orientale où se trouvent notamment le quartier des brasseurs de sauce soja et le village du cinéma.Il existe bien un service de bus pour circuler dans l’île, mais ils sont peu nombreux. Il faut donc bien caler ses déplacements à l’intérieur de l’île pour être sûr de ne pas manquer les rares passages de ces bus surtout utilisés par les personnes âgées et les écoliers. Si l’on choisit ce mode de transport, mieux vaut ne pas avoir peur de marcher car, à la différence du train, les horaires sont plus aléatoires. Aussi est-il recommandé de louer une bicyclette grâce à laquelle vous pourrez découvrir cette merveilleuse île à votre rythme et sans stress. A deux pas du terminal de ferry, à Tono-shô, Shôdoshima Cycle Station jouxte l’hôtel Okido et vous propose de louer à la journée des vélos à assistance électrique pour 2 000 yens (environ 14 €) qui vous permettront de parcourir éventuellement les 82 kilomètres du tour de l’île ou tout simplement de vous rendre dans ses différents lieux d’intérêt localisés pour la plupart le long de sa côte méridionale. La salle de classe où Kinoshita Keisuke tourna Vingt-quatre prunelles (Nijûshi no hitomi). / Odaira Namihei pour Zoom Japon Pour de nombreux Japonais, Shôdoshima est avant tout le lieu de tournage de plusieurs grands films parmi lesquels Vingt-quatre prunelles (Nijû-shi no hitomi, 1954) de Kinoshita Keisuke ou Yôkame no semi [La Cigale du huitième jour, 2011] de Narushima Izuru adapté roman éponyme de Kakuta Mitsuyo (voir Zoom Japon n°70, mai 2017). Le premier est le plus connu et sans doute l’un des plus émouvants jamais tournés. L’histoire se déroule à Shôdoshima et raconte l’histoire d’une jeune institutrice interprétée avec brio par Takamine Hideko qui va s’occuper d’une classe de 12 élèves avant guerre et avec qui elle se réunira après la défaite du Japon. Outre le caractère tragique de ce récit qui montre combien l’engagement du Japon dans le conflit contre la Chine puis contre les Etats-Unis a été fatal pour la jeunesse du pays, le film constitue un beau témoignage de la vie sur cette île dans la première moitié du XXe siècle. On y découvre à la fois la dureté des conditions de vie pour la plupart des habitants, mais aussi l’importance des fabricants de sauce soja dont on aperçoit à plusieurs reprises les bâtiments. C’est pour célébrer ce film et pour illustrer le cadre idyllique de l’île pour les cinéastes en quête de paysages magnifiques qu’a été inauguré le Village du cinéma des Vingt-quatre prunelles (Nijûshi no hitomi Eigamura) à la pointe sud de l’île, à environ 15 minutes en bus du port de Sakate. On y a reconstitué la fameuse salle de classe du film et on y a construit un ensemble de maisons qui abritent pour certaines des expositions autour du cinéma, et pour d’autres des boutiques et des restaurants. Ceux qui n’ont jamais eu la chance de voir le long-métrage de Kinoshita peuvent le visionner gratuitement dans une petite salle de cinéma qui fleure bon les années 1950 et qui dispose au premier étage d’un bar et d’une boutique réservée aux fans du 7e Art.Si l’on peut comprendre le désir de promouvoir le cinéma à Shôdoshima, on peut toutefois s’étonner du besoin de reconstituer la salle de classe du film alors qu’à 500 mètres de là se trouve l’originale parfaitement préservée et que l’on peut visiter d’ailleurs grâce au même billet d’entrée (790 yens / 5,40 €). Le bâtiment en bois construit en 1902 a servi d’école jusqu’en 1971. Le parcourir procure une belle émotion d’autant qu’on y propose plusieurs souvenirs du tournage.Après cette plongée dans l’univers cinématographique, c’est un autre voyage dans le temps que l’on peut accomplir en se rendant à Hishio no Sato [le village de la sauce soja]. A 15 minutes au nord du port de Sakate, le quartier des brasseurs de shôyu est un endroit très agréable à parcourir en marchant. Si vous êtes d’abord allé au village du cinéma, vous n’avez pas pu échapper à l’imposante usine de Marukin, le plus grand producteur local, dont la taille lui permet encore de résister au géant Kikkoman. Un musée pour commémorer les 80 ans de son existence a été ouvert, en 1987, dans un des plus grands bâtiments du Japon construit dans le style gasshô-zukuri dont la forme rappelle “des mains en prière”. Bâti au début de l’ère Taishô (1912-1925), cet édifice a été classé comme bien culturel par le gouvernement. Après avoir longtemps servi de dalle de pressage, il permet désormais de découvrir l’histoire de l’entreprise qui est un des fleurons industriels de Shôdoshima. A la sortie, on peut acheter une glace à la sauce soja qui s’avère particulièrement savoureuse et rafraîchissante les jours de grandes chaleurs. Marukin est le principal producteur de sauce soja à Shôdoshima....
