
Très sensible à la question du gaspillage, Noda Kôtarô se mobilise aussi pour réaliser une cuisine prenant en compte ce facteur. / Benjamin Parks pour Zoom Japon A la tête du restaurant étoilé Faro, Noda Kôtarô a pris conscience de la nécessité de se nourrir autrement. Avec la fin de la crise sanitaire, l’industrie de la restauration, qui a longtemps été paralysée, reprend du poil de la bête et quelques chefs émergent pour porter la cuisine à un tout autre niveau. Le chef Noda Kôtarô, du restaurant italien Faro à Tôkyô, est l’un des chefs de file de cette nouvelle tendance. Situé à l’intérieur du bâtiment Shiseidô à Ginza, Faro est initialement un restaurant de luxe ouvert en 2001. Cependant, lorsque Noda arrive en 2018, il le réinvente pour en faire un espace complètement différent - un lieu proposant une cuisine raffinée à des prix relativement accessibles tout en y proposant une cuisine italienne revisitée.Né à Imabari en 1974, dans la préfecture d’Ehime, sur l’île de Shikoku, Noda travaille à temps partiel dans un izakaya (bar japonais) pendant ses études universitaires, ce qui l’amene à devenir chef cuisinier. “Je n’avais pas beaucoup d’argent et je devais travailler pour payer mes études”, explique-t-il. “Travailler dans un restaurant était un choix naturel, car je pouvais manger gratuitement et économiser de l’argent. Cependant, il y avait un chef très strict et exigeant dans l’établissement où je bossais”, se souvient-il. “Et comme j’avais l’esprit de compétition, je voulais qu’il soit satisfait de mon travail et qu’il me prenne comme apprenti, mais il a catégoriquement refusé. Il était le chef d’un izakaya et excellait dans la cuisine française. A l’époque, il y avait un fossé énorme entre mon approche tiède et son professionnalisme, et nous nous disputions tous les jours. Mais même si je n’ai pas pu travailler avec lui, avant même d’avoir terminé l’université, j’ai décidé que je voulais devenir chef. J’ai donc continué à chercher des restaurants qui m’intéressaient et, après avoir obtenu mon diplôme, j’ai commencé ma carrière de cuisinier”.Il entreprend ensuite un voyage gastronomique en France, en Angleterre, en Espagne et s’est installé en Italie en 1999, à l’âge de 25 ans. Il travaille dans des restaurants à Rome et à Florence et, en 2011, il obtient sa première étoile Michelin alors qu’il était chef à l’Enoteca la Torre à Viterbo. Après avoir travaillé au Danemark, il ouvre en 2014 son premier restaurant, le Bistro 64, à Rome. En 2017, il décroche sa deuxième étoile Michelin et son nom se retrouve soudain sur toutes les lèvres. En 2018, il se voit proposer le poste de chef exécutif du Faro à Ginza et commence une vie faite d’allers-retours entre l’Italie et le Japon. En 2021, le Faro reçoit une étoile Michelin.Si Faro propose d’excellents plats de viande et de fruits de mer, ce qui le distingue des autres restaurants similaires, c’est son offre végétalienne, encore rare dans la haute cuisine japonaise. Les menus végétaliens se sont imposés en Europe et aux Etats-Unis comme une norme éthique qui transcende les préférences alimentaires, mais dans l’Archipel, il n’y a pas encore beaucoup de grands restaurants qui les intègrent dans leurs menus.La clientèle de Ginza est réputée pour avoir des goûts plutôt conservateurs, et la marqueShiseidô, établie de longue date, s’efforce de préserver une certaine forme de raffinement traditionnel japonais. Cependant, la qualité des plats végétaliens de Noda a fini par séduire l’ancienne clientèle du Faro tout en attirant de nouveaux adeptes. L’un des plats emblématiques de Noda est son risotto noir enrobé de poudre d’olives noires. Il est préparé avec des haricots noirs de la préfecture d’Ishikawa, des haricots marrons de Hokkaidô et des haricots rouges appelés Kita Rosso. La clé de la saveur de ce plat est le Jûgoya Miso, qui est fabriqué à partir de kôji noir (une sorte de moisissure également utilisée pour fabriquer le saké, le shôchû (alcool distillé), la sauce soja et le miso). La texture est encore granuleuse, mais l’intérieur est crémeux, ce qui en fait un plat italien fortement lié à la tradition japonaise.Le risotto aux courgettes est un autre hors-d’œuvre qui mérite d’être goûté. Ce risotto vert à la courgette et à la menthe utilise comme ingrédient secret du miso de soja rouge fait maison. Le risotto chaud fraîchement préparé est garni d’un disque congelé de purée de courgettes d’un beau jaune. En d’autres termes, il s’agit d’un sorbet à la courgette qui, au contact du risotto chaud, fond et se déguste comme une sauce.Les spaghettis de pommes de terre sont un plat très apprécié au Faro. Il s’agit d’une version végétalienne des célèbres pâtes d’Enrico Crippa, un chef italien trois étoiles. Ce plat ingénieux est obtenu en coupant des pommes de terre en fines lamelles pour les faire ressembler à des spaghettis et comporte à l’origine une sauce à base d’anchois et de beurre. Toutefois, Noda a supprimé tous les ingrédients d’origine animale et a créé de cette recette légèrement sucrée et légère avec des ingrédients d’origine végétale, des épices et des herbes. La texture croquante rappelle incontestablement les pâtes et, surtout, la sauce crémeuse se marie parfaitement avec les pommes de terre. Les non-végétaliens se demanderont probablement comment Noda parvient à créer une saveur aussi forte même sans utiliser des produits d’origine animale. Grâce à son enthousiasme, le chef du Faro a réussi à gagner la confiance de la clientèle japonaise. / Benjamin Parks pour Zoom Japon Le mille-feuille de riz et de paprika est un autre plat qui surprend tout le monde. Le riz italien carnaroli, généralement utilisé pour faire du risotto, est transformé en frites qui sont ensuite empilées les unes sur les autres pour créer un mille-feuille, puis il est ensuite recouvert d’une sauce au paprika rouge et jaune et d’huile de romarin vert, le tout rehaussé de poudre de paprika fumé. Le paprika parfumé rappelle la Calabre, dans le sud de l’Italie, tandis que les chips de riz croustillantes ont un goût d’Italie du Nord.Bien entendu, Noda n’est pas le seul à créer de nouvelles combinaisons passionnantes. Son équipe comprend le chef pâtissier Katô Mineko qui, comme Noda, a passé beaucoup de temps dans de célèbres restaurants italiens, dont l’Osteria Francescana. Son gâteau le plus célèbre est le petit four, une magnifique tarte garnie d’herbes italiennes et de plus de 20 types de fleurs comestibles : comme un petit jardin d’herbes qui fleurit sur la table. La recette originale exige une crème à base de mascarpone maison et de sirop d’érable, mais cette fois-ci, l’équipe de Katô fait bouillir du riz pour préparer la crème, et la combinaison de la pâte à tarte aux noix, du riz cuit, de la crème au lait de soja et du sirop d’érable est tout à fait impressionnante.“L’approche italienne de la cuisine est très simple et facile à comprendre”, souligne Noda Kôtarô. “Les ingrédients sont essentiels, et vous choisissez des ingrédients produits localement en fonction de chaque...
