
La ville de 26 000 habitants est la première productrice de houblon du Japon. / Eric Rechsteiner pour Zoom Japon Principal centre de production du houblon dans l’Archipel, la petite ville veut devenir une cité de la bière ! Yokohama, Sapporo et d’autres grandes villes sont peut-être les principaux centres de production de bière japonaise, mais peu d’endroits incarnent mieux la culture de la bière au Japon qu’Iwate, la première préfecture productrice de houblon du pays. C'est ici, en effet, que la moitié du houblon nippon est cultivé, et la petite ville de Tôno se trouve en son centre.Le pittoresque district agricole de Tôno est situé dans un bassin entouré de belles montagnes. On dit que, dans l’Antiquité, toute la région était un lac (la syllabe “Tô” de Tôno est un mot aïnu qui signifie “lac”), et qu’elle est devenue par la suite une zone très prisée pour l’élevage de chevaux, l’agriculture et la chasse.Pendant des siècles, le bassin du Tôno a été complètement isolé du reste de la préfecture, et jusqu’à la fin des années 1980, un voyage dans cette petite ville offrait encore le visage du Japon rural traditionnel, jusqu’aux roues hydrauliques et aux passerelles en bois recouvertes de mousse sur les ruisseaux sinueux. Aujourd’hui encore, un tour sur la ligne du Kamaishi en direction de Tôno vous donne une idée de l’isolement dans lequel se trouvait autrefois la région. Le train à voie unique se fraye un chemin à travers d’étroites vallées et de belles mais intimidantes montagnes qui s’ouvrent ici et là pour révéler de minuscules hameaux et des rizières serrées. Les forêts des deux côtés de la voie ferrée sont des jungles complexes de cèdres du Japon et de châtaigniers qui menacent de se déverser sur les rails, leurs branches frôlant de façon moqueuse les parois du modeste train à deux wagons.Pendant longtemps, la fortune économique de la préfecture d’Iwate a été liée à la culture du houblon. En effet, le Tôhoku, la région du nord-est de l’île de Honshû, est l’endroit idéal pour le cultiver. Pour commencer, on dit que la grande fluctuation de température entre le jour et la nuit est idéale pour sa croissance. De plus, le taux d’humidité et le risque de typhons sont relativement faibles tout au long de l’année. En raison de ces caractéristiques, les grands brasseurs japonais s'y intéressent depuis longtemps. Les producteurs de Tôno, par exemple, ont développé un partenariat avec Kirin Beer, en vertu duquel la société de Yokohama s’engage à acheter la totalité de leur récolte de houblon. Celle-ci comprend des variétés indigènes comme l’Ibuki, un houblon aux notes aromatiques de citron et de pamplemousse, et le Murakami Seven, une variété à l’arôme de raisin nommée d’après Murakami Asahi, le chercheur et sélectionneur japonais de houblon responsable de son développement. A Tôno, on récolte plus que 202 tonnes de houblon par contre 446 tonnes en 2008. / Eric Rechsteiner pour Zoom Japon Dans ma quête de houblon frais et de bonne bière, j’ai d'abord rendu visite à la Tono Brewing Company. La dernière venue sur la scène locale de la bière a été fondée en 2017 par un trio de personnes venues d’ailleurs qui, après le succès d’une campagne de financement participatif, ont ouvert un pub-brasserie dans le centre ville. Le directeur représentant la société, Hakamada Daisuke, avait auparavant travaillé dans tout le Japon comme directeur de magasin pour la chaîne de vêtements UNIQLO. Il est venu s’installer à Tôno pour rejoindre Next Commons Lab, un projet visant à attirer et à former des entrepreneurs pour donner un nouveau souffle à l’économie locale. Il a été l’une des deux personnes – sur 80 candidats – à être choisies pour diriger la nouvelle microbrasserie. “En tant qu’amateur de bière, j’ai toujours rêvé d’ouvrir ma propre brasserie. Mais je dois avouer qu’au début, ça n’a pas été très facile. D’abord, nous avons eu du mal à trouver un bon emplacement. Finalement, nous avons eu la chance de trouver un magasin de saké abandonné, et grâce au financement participatif, nous avons pu le rénover et ouvrir notre lieu de dégustation”, explique-t-il.Le vrai problème, cependant, a été de développer une communauté d’amateurs de bière artisanale dans un marché en constante diminution. Selon les données officielles du recensement, la population de Tôno a atteint un sommet vers 1960 et n’a cessé de diminuer au cours des 60 dernières années. Elle est aujourd’hui inférieure à ce qu’elle était il y a un siècle. En outre, selon la mairie, 37,6 % de la population a plus de 65 ans. “Tôno ne compte qu’environ 26 000 habitants. C’était donc assez peu pour commencer. De plus, lorsque nous avons ouvert notre établissement, la plupart des gens n’avaient pas l’habitude de la bière artisanale car ils n’avaient bu que de la Kirin et de l’Asahi toute leur vie”, ajoute le patron de la Tono Brewing Company.Pourtant l’entreprise n’était pas pionnière en la matière puisqu’une autre brasserie, plus grande, était déjà en activité au moment de sa création. “Kamihei Shuzô est une brasserie de saké établie de longue date qui produit depuis plusieurs années la bière artisanale Zumona”, explique Hakamada Daisuke. “Ils sont au moins cinq fois plus grands que nous et vendent leur bière dans les magasins et les supermarchés alors qu’en ce moment nous nous concentrons...
