
Unique survivante de l’ancien réseau de trams à Tôkyô, la ligne Arakawa réserve de belles surprises au visiteur curieux. J’ai toujours été obsédé par les tramways. C’est peut-être lié au fait que j’aime les trains. En m’installant à Tôkyô, j’ai donc été déçu d’apprendre que l’important réseau de tramways avait été démantelé une bonne fois pour toute. Il avait pourtant survécu au séisme de 1923 et aux bombardements américains de 1945 pour atteindre un trafic de 600 000 passagers par jour en 1955. Mais en 1960, la capitale qui se préparait à accueillir les Jeux olympiques a soudainement décidé que le tramway n’était pas en phase avec l’image moderne qu’elle voulait donner d’elle au reste du monde. Il fut donc décidé de supprimer ce réseau ferré. Ma déception a cependant été en partie remisée lorsque j’ai découvert qu’une ligne avait survécu à la destruction : la ligne Arakawa. Elle est très particulière. Bien qu’on la présente comme une ligne de tramway, elle bénéficie d’un tracé qui lui permet d’échapper en grande partie au trafic routier de la capitale. Elle n’a pas à se soucier des feux rouges ou des embouteillages. Le plus notable, c’est que cette ligne de 12,2 kilomètres que l’on parcourt en une cinquantaine de minutes entraîne le visiteur dans la partie la plus négligée de Tôkyô. Elle se situe bien loin des deux principaux centres d’attraction de la capitale : Shinjuku ou Shibuya pour son côté ultramoderne et Asakusa pour son côté pseudo folklorique. C’est là-bas que se précipitent ceux qui sont en quête de sensation ou de l’atmosphère du vieux Tôkyô. En revanche, personne ne se rend dans les quartiers nord à moins d’y vivre ou d’y travailler. Une première virée dans ce quartier m’a convaincu qu’il fallait y revenir, en faisant cette fois plusieurs arrêts afin d’aller à la découverte de lieux que j’avais entraperçus lorsque j’étais assis dans le tram. C’était aussi pour moi une bonne occasion de suivre les voies. C’est du moins ce que je croyais, car en définitive, ce n’est pas du tout évident dans la mesure où les rails sont souvent posés à quelques centimètres de murs qui interdisent au piéton d’essayer de suivre le parcours du tram sans risquer sa vie. J’ai donc dû me résoudre à faire de nombreux détours, mais ce ne fut pas une déception, loin de là. Ce fut comme une sorte de voyage dans le temps qui m’a permis de pénétrer dans un Tôkyô que je croyais depuis longtemps disparu. J’y ai découvert de petites entreprises familiales ou de minuscules boutiques remplies d’objets étranges et poussiéreux dont la plupart des gens aujourd’hui ne savent pas comment les utiliser. J’y ai aussi vu des arbres. Voilà qui rend aussi cette partie de la ville aussi particulière puisque Tôkyô n’est pas connue pour être une cité arborée. A titre d’exemple, la surface occupée par les parcs dans la capitale nippone représente seulement un vingtième de celle qui existe à Washington. Le point de départ de la ligne Arakawa se situe à Waseda, à proximité de la fameuse université. Après quelques arrêts, on atteint Zôshigaya qui constitue l’un des endroits les plus fascinants du parcours. A droite de la voie, se trouve le cimetière de Zôshigaya. Je ne sais pas si c’est la même chose pour vous, mais les cimetières sont des lieux qui me passionnent. Cela peut vous sembler bizarre, mais je pense que la plupart d’entre eux ont du charme. A Tôkyô, en particulier, ils sont magnifiques et figurent parmi les endroits les plus tranquilles de la ville. Celui de Zôshigaya ne fait pas exception. Déambuler dans les allées recouvertes d’herbe, entourées par les arbres et l’odeur envahissante de l’encens, on peut rapidement oublier l’énorme complexe Sunshine City qui se situe de l’autre côté des voies. Dans ce cimetière, vous trouverez des tombes de personnalités marquantes comme celles des écrivains Natsume Sôseki, Nagai Kaifu et Lafcadio Hearn. Tôjô Hideki, l’ancien Premier ministre pendant la Seconde Guerre mondiale qui fut exécuté pour crimes de guerre en 1948, y a...
