L'heure au Japon

Parution dans le n°102 (juillet 2020)

J’ai lu que vous aviez une certaine expérience théâtrale avant de fonder votre société.I. Y. : C’est juste. En fait, plusieurs employés de Family Romance sont des acteurs. Ils travaillent également pour nous parce que la nature même de leur travail les place dans différentes situations de la vie réelle, ce qui leur permet de perfectionner leurs compétences en tant qu’acteur. Nous disposons d’un réseau d'environ 3 000 personnes au Japon (60 % de femmes, 40 % d'hommes), dont un certain nombre d’étrangers. Notre personnel vient de tous les horizons. Nous avons besoin de toutes sortes de personnes en raison du large éventail de demandes que nous recevons chaque jour. Tout le monde peut donc s’inscrire chez nous. Les nouveaux membres n’ont pas besoin de passer un entretien ou une audition. Au contraire, lorsque nous recevons une demande, nous rassemblons plusieurs candidats possibles pour le rôle à attribuer, en fonction des besoins et des demandes des clients, et nous les laissons choisir la personne qui leur plaît ; celle qui se rapproche le plus de leurs attentes.Un client peut avoir des amis étrangers qui viennent au Japon en vacances et engager un résident étranger pour leur faire visiter la ville. Nous avons même eu une cliente qui, pour une raison quelconque, avait menti sur son séjour à l’étranger, et nous avons engagé quelques étrangers pour montrer à son entourage qu’elle avait beaucoup d’amis dans le monde. Comment vos acteurs préparent-ils leurs interventions ?I. Y. : Nous mettons un manuel à leur disposition pour les aider à faire face à chaque situation (parent loueur, fiancée, enfant, etc.). En tant que fondateur de Family Romance, je suis évidemment le plus ancien. Au fil du temps, j’ai donc pris des notes sur mes différentes expériences, y compris sur mes échecs, en mettant l’accent sur ce qui fonctionne et ce qu’il faut éviter dans chaque situation. La lecture de ce manuel fait bien sûr partie de leur formation. Les cérémonies de mariage constituent l’une de vos principales activités.I. Y. : Nous recevons de nombreuses demandes, allant de la fourniture de quelques invités à un client qui n’a pas assez d’amis ou de parents à ses côtés, à l’organisation de toute la fête en passant par la fourniture d’un faux conjoint et d’une fausse belle-famille. Je sais que cela doit paraître très étrange, mais les Japonais sont très pointilleux sur la forme et les cérémonies. Les apparences sont importantes et ils pensent qu’ils ne peuvent pas trahir les attentes des autres.Notre principale activité est liée à la “location de famille”, en particulier celle de “père”. Là encore, il existe de nombreuses situations sociales dans lesquelles la présence du père est nécessaire. Malheureusement, le vrai père peut ne pas être disponible, en raison d’un divorce ou d’un décès, auquel cas nos clients louent un homme qui se fait passer pour le père. L’idée de créer cette agence est en fait née d’une telle situation. Une de mes amies était mère célibataire. Elle voulait envoyer son fils dans un jardin d’enfants privé. Les enfants ayant deux parents sont généralement favorisés lors du processus de sélection, alors je me suis fait passer pour le mari de mon amie. D’après vous, pourquoi des entreprises comme Family Romance sont populaires au Japon ?I. Y. : Lorsqu’on évoque les interactions sociales au Japon, les concepts de tatemae (apparences) et de honne (ce que l’on pense vraiment) sont souvent concernés. Dans de nombreuses situations, le premier prévaut généralement. Lorsque les gens ont du mal à dire la vérité ou à assumer une situation pour ce qu’elle est vraiment, ils trouvent utile de demander l’aide d’un substitut, d’un mandataire comme...

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