Reconnu internationalement, Kubota a été décoré Chevalier de l’Ordre des Arts et des Lettres par le ministre Jack Lang en 1990. Ses kimonos de scène ont été présentés au musée Guimet à Paris, en 2015, lors d’une exposition sur le théâtre en Asie. En 1994, l’artiste réalise un rêve et inaugure son propre musée dans un emplacement qu’il juge idéal, c’est-à-dire aux abords du lac Kawaguchiko, au milieu des pins rouges et surtout avec une vue sur le mont Fuji que le maître aime tant représenter sur ses kimonos. Cette montagne sacrée tient une place particulière dans son cœur comme dans celui de nombreux Japonais. Symbole de la culture japonaise, le mont Fuji fait l’objet d’une véritable vénération au Japon. Le volcan qui culmine à 3 776 mètres est le point le plus élevé du Japon. Avec le mont Tate et le mont Haku également sur Honshû, l’île principale du Japon, le Fuji-san est l’une des trois montagnes sacrées du Japon.
Mais revenons au musée. La structure du bâtiment principal où sont exposés les kimonos allie de façon remarquable les techniques japonaises traditionnelles de construction et celles venues d’Occident. Levez les yeux et admirez la forme pyramidale de la charpente soutenue par seize poutres de bois de plus de mille ans d’âge.
Selon le souhait de l’artiste, aucune vitre, aucune barrière ne vous sépare des œuvres. Vous pourrez apprécier de près les couleurs mais aussi les détails minutieux des motifs. La lumière naturelle filtre à travers le sommet en verre de la charpente, illuminant les kimonos les plus précieux exposés sur une scène surélevée au centre du bâtiment. Parmi ceux-ci, “San” ou “Soleil brûlant”, le tout premier kimono réalisé par l’artiste en hommage aux couchers de soleil de Sibérie. Réunis en une collection baptisée “Symphonie de lumière”, les kimonos exposés varient au fil des saisons, tous les trois ou quatre mois. Cette collection représente la grandeur de l’univers à travers les quatre saisons et le mont Fuji. Présentés bout à bout, ces kimonos forment de véritables paysages, “comme une série d’estampes”, précise le directeur du musée.
A votre entrée dans le bâtiment abritant les kimonos, vous serez accueilli par Miyahara Sakuo, directeur honoraire du musée et apprenti du maître pendant 25 ans, jusqu’à sa disparition en 2003. Il vous dirigera avec cette douceur toute japonaise vers une petite salle adjacente où est projeté un film en anglais de 20 minutes expliquant la technique tsujigahana et l’histoire incroyable de la vie de Kubota. Ne manquez pas une autre expérience typiquement locale qui vous attend au salon de thé du musée, ouvert sur le jardin par une grande baie vitrée : la cérémonie du thé ou cha no yu. Certes, elle n’est pas ici célébrée de façon extensive mais quelques minutes suffiront à apprécier ce rituel multiséculaire qui incite au calme et à la méditation, en complète harmonie avec l’atmosphère du musée Kubota. Le cha no yu consiste à préparer du thé vert en poudre (macha). L’eau chauffée à une température précise est versée sur cette poudre et, à l’aide d’un fouet de bambou, fait naître dans votre bol à la surface du thé, une mousse délicate d’un vert tendre. A la première gorgée, on a l’impression surprenante de boire de l’herbe fraîchement coupée… Tout y est : la couleur et le parfum. Puis on s’habitue à l’âpreté du thé, atténuée par la texture veloutée des petits gâteaux japonais traditionnels qui l’accompagnent toujours.
Poursuivez votre visite par un tour dans le jardin du musée également pensé par l’artiste. Des objets d’art asiatique et africain y sont rassemblés. Suivez le ruisseau sous les pins jusqu’aux cascades et vous arriverez à une petite grotte en pierre de lave du mont Fuji. Elle abrite une statue de bodhisattva, légèrement kitsch mais pas dénuée de charme. En fonction de l’époque de l’année, vous pourrez admirer les cerisiers en fleur, les azalées, ou simplement la beauté du feuillage des arbres : vert tendre au printemps ou chatoyant à l’automne. La diversité des nuances de rouges, de jaunes ou de bruns en cette saison n’existe nulle part ailleurs qu’au Japon.
Cette matinée au musée vous aura sans doute ouvert l’appétit. Goûtez la spécialité culinaire de la région : le hôtô, un plat composé de pâtes udon, de divers légumes – kabocha (citrouille), hakusai (chou chinois), carottes, sansai (légumes de montagne) ou pois gourmands selon la saison – , le tout dans un savoureux bouillon à base de miso. Une des meilleures adresses de Kawaguchiko pour le déguster est l’auberge Kosaku, à 15 minutes à pied de la gare. Après avoir retiré vos chaussures à l’entrée de l’établissement, on vous dirigera vers votre table dans une grande salle tout en bois avec une impressionnante charpente. Ici le hôtô est servi dans dans un poêlon individuel et le menu propose des options incluant du porc, du bœuf, du canard, des huîtres – et pour les plus téméraires, du sanglier, de l’ours … ou de la tortue. Le prix pour une si grande portion est tout à fait raisonnable. Plat à déguster plutôt en hiver, l’alternative à la belle saison est de déjeuner au bord du lac dans un des cafés dont les terrasses dominent le lac et le Fuji.
À seulement dix minutes en train et quelques minutes de marche de la gare de Kawaguchiko, se trouve le parc Arakurayama Sengen dans la ville de Fujiyoshida, l’un des lieux les plus cotés pour apprécier la vue sur l’emblématique volcan. Vous comprendrez vite pourquoi un célèbre guide de voyage anglophone a choisi la vue de la pagode Chureito pour illustrer la couverture d’une de ses éditions antérieures… La pagode de cinq étages en vermillon laqué a été construite en 1963 en tant que mémorial de la paix. Elle fait partie du sanctuaire Arakura Sengen, à dix minutes en train de la station de Kawaguchiko. Descendez à la station Shimo-Yoshida sur la ligne Fujikyu, puis marchez dix minutes pour atteindre le site. La pagode attire pendant la floraison des cerisiers et en automne de nombreux photographes désireux de prendre le Fuji sous son meilleur angle. Pour atteindre la pagode et profiter de cette vue, vous devrez gravir environ 400 marches, mais l’effort en vaut la peine !
Si vous êtes dans la région pour plusieurs jours, prenez le temps d’explorer également l’ensemble des cinq lacs situés au pied du versant nord du mont Fuji près de Fujiyoshida. De nombreux itinéraires de randonnées avec vue sur le Fuji sont disponibles à l’office de tourisme de Kawaguchiko. Après l’effort, le réconfort et faites comme les Japonais en vous laissant tenter par le duo gagnant rando-onsen. Savourez un moment de relaxation et de détente dans une des nombreuses sources thermales de la région avant de repartir vers la bouillonnante capitale.
Raphaèle Lesort
Pour s’y rendre
De Tôkyô à la gare de Kawaguchiko, le plus simple est d’emprunter un car au départ de la gare de Shinjuku (bus Terminal), de Shibuya (Mark City) ou de la gare de Tôkyô (Yaesu South Exit). Le trajet dure environ deux heures. Attention, le Japan Rail pass n’est pas valable dans ces bus. Il vous coûtera environ 1 800 yens l’aller-retour.
De la gare de Kawaguchiko au Itchiku Kubota Art Museum, prenez le Retrobus à la gare et descendez à l’arrêt Kubota Itchiku Bijutsukan. Environ 25 minutes.