“Nous avons repris une technique ancienne de production à partir de coquilles d’huîtres que nous utilisons pour le transport de l’eau, sourit-elle. Nous prenons grand soin de notre environnement et de nos matières premières : ainsi et seulement ainsi peut naître le vrai saké.” Au large de Niigata, la silhouette des montagnes de Sado se dessine : sur ses terres agricoles et ses rizières à perte de vue, on aperçoit le toki voler, l’ibis du Japon, fameux emblème de la préfecture et espèce en voie de disparition. La dépopulation fait néanmoins rage sur ce petit paradis qui ne compte plus que cinq brasseries de saké pour une petite centaine autrefois. “Il y a quelques années, l’école primaire a fermé ses portes : un lieu magique où l’on peut observer le plus beau coucher de soleil du Japon.” Obata Rumiko a réinvesti les lieux, en 2010, pour y installer une seconde brasserie, puis a fondé une école, en 2014, où sont organisés des séminaires de formation. Confectionner cette boisson, “c’est comme s’occuper d’un bébé”, compare-t-elle. “C’est important de poursuivre la transmission d’un savoir-faire.” D’autant plus qu’Obata Shuzô utilise des méthodes de savoir-faire traditionnelles où le riz est brassé à la main, pressé à l’ancienne “dans des sacs que l’on suspend au plafond”. Elle aussi se frotte au polissage à 35%. “C’est un saké avec une personnalité hors-du-commun. Le boire, c’est comme rencontrer une femme que l’on aurait envie de voir et de revoir encore.”
Très tournée vers l’international, Obata Rumiko propose désormais ses bouteilles dans 14 pays dont les Etats-Unis, Singapour ou la Corée. En Europe, si la population confond encore trop facilement le très fort alcool de riz chinois servi dans les pseudo restaurants à sushis avec le saké délicat que l’on déguste au Japon, des connaisseurs œuvrent à faire découvrir la boisson aux palais novices. A l’instar, du chef étoilé, Guy Martin, qui propose depuis le printemps les breuvages de sept maisons de saké de Niigata à la carte de son grand restaurant, deux étoiles au Guide Michelin. Le chef du Grand Véfour qui a “voyagé plus de 100 fois au Japon” est séduit par ce “pays qui prend aux tripes.” Converti au saké, celui de Niigata en particulier, il a lui-même choisi les sept sakés qui sont proposés sur sa carte parisienne. Selon leur consistance en bouche, qu’il soit plus sec ou plus doux, Guy Martin les marie volontiers avec du foie gras, du carpaccio de Saint-Jacques, des huîtres ou encore avec des desserts à base de chocolat, de pommes ou d’agrumes. “Je suis intimement persuadé que nous parlerons bientôt de grands crus de sakés au même titre que le vin. Et ce, dans le monde entier”, affirme-t-il.
Odaira Shunji acquiesce. Pour lui, l’avenir du saké se trouve dans cette quête de qualité toujours plus grande. Pour cette raison, il est en train de mettre en place un partenariat avec l’université de Bordeaux et l’université de Niigata accueille depuis le printemps une spécialité saké dans ses formations diplomantes. “Nous voulons créer une œnologie du saké comme cela existe en France avec le vin. La spécialisation permettra de pousser encore davantage ce caractère exceptionnel”, assure-t-il. Pour autant, il ne sera pas question de pousser les ventes outre mesure. “Niigata compte beaucoup de brasseries, mais il s’agit de petits établissements familiaux qui ne produisent assez peu en quantité : il s’agit avant tout de maîtriser et de transmettre ces méthodes de confection complexes qui permettront d’obtenir un goût toujours plus parfait. Léger, doux mais riche à la fois.” L’alliance ultime du riz et de l’eau.
Johann Fleuri
S’y rendre
Au départ de Tôkyô, empruntez le Jôetsu Shinkansen au départ de la gare de Tôkyô ou d’Ueno. Comptez entre 90 mn et 120 mn de trajet en fonction du train. Plusieurs départs par jour.
La Brasserie Imayo Tsukasa organise des visites guidées quotidiennes et gratuites de son établissement (toutes les heures à partir de 9h). Elle se situe à 15 mn à pied de la gare (sortie Bandai).
1-1 Kagamigaoka Chûô-ku Niigata 950-0074
http://imayotsukasa.co.jp/en/