“Au début de l’histoire de la culture perlière, les pertes restaient énormes, ajoute Agathe Torz, responsable des visiteurs étrangers au musée Mikimoto Pearl Shima, Il fallait 35 000 huîtres pour 21 perles.” Une fois le noyau implanté, il faut compter deux à trois ans pour que l’huître fabrique les 2 000 à 3 000 couches de nacre nécessaires à une perle de qualité. Durant cette période, elle est surveillée comme le lait sur le feu. “L’huître perlière est très sensible. La moindre pollution, le plus petit changement de température de l’eau et la culture est perdue.” A Toba, le Mikimoto Pearl Shima est le véritable centre mondial de la perle. On y apprend tout sur la culture locale, mais aussi sur les différents coquillages du monde, les spécificités d’une telle culture, son impact dans l’histoire et l’économie de la région de Mie sans oublier l’évolution de ce qui est devenu avec le temps l’orfèvrerie Mikimoto. “La bijouterie ne retient que 5 % des perles produites chaque année : les plus rondes, les plus brillantes. Celles dont la nacre est parfaite ”, précise Agathe Torz.
Au Mikimoto Pearl Shima, on présente aussi le travail des ama-san, ces fameuses plongeuses en apnée, autres figures fondamentales de l’identité de la région. “Autrefois, elles allaient également chercher des huîtres avant l’opération puis retourner les déposer dans la mer, poursuit Agathe Torz. Maintenant, elles ne travaillent plus pour la culture perlière, cette partie est entièrement automatisée.” Elles font quelques démonstrations dans l’enceinte du musée “pour le folklore”. Vêtues de leurs reconnaissables tenues de plongée de tissu blanc, les dernières ama-san continuent tout de même de plonger de mars à septembre et ramènent des awabi, ce coquillage coûteux que l’on déguste notamment durant les fêtes du Nouvel An et des sazae, autre coquillage local. Pour faire encore plus ample connaissance avec ces femmes, renommées pour avoir des caractères bien trempés, il faut quitter Toba et se rendre au cœur de la baie d’Ago, tout au bout de la péninsule de Shima.
Ici, vit Mitsuhashi Mayumi , 69 ans, dans le village de Wagu. Ama-san depuis 37 ans, cette amoureuse de la mer regrette le temps où “ nous étions plus nombreuses. Aujourd’hui, nous ne sommes plus que quelques dizaines. Alors on se sert les coudes. Les ama sont des femmes fortes”, sourit-elle. Ces dernières résistantes d’une culture ancestrale continuent de plonger à tous prix. “Quand je suis au fond de l’eau, je ne pense plus à rien. Si je suis gênée par des pensées négatives, je me mets en danger et surtout je ne peux pas retenir ma respiration trop longtemps. Je dois être paisible, au calme.” Le regard assombri, elle ajoute d’un ton grave. “Quand on est au fond de l’eau, on est seul comme lorsque l’on est face à la mort.”