Cette veuve est entourée de ses trois enfants et huit petits-enfants. Energique, sa force transpire par tous les pores de sa peau. “Il faut une santé physique de fer pour être ama. La plus jeune de notre communauté a 46 ans. Je connais une ama qui plonge encore dans la région de Wajima, dans la péninsule de Noto qui donne sur la mer du Japon, alors qu’elle a 82 ans : tout est dans le mental. Malheureusement, c’est un métier qui va complètement s’éteindre, nous sommes les toutes dernières”, explique-t-elle avec regret. Mayumi a appris le métier auprès d’une professeure qui lui était chère, “plonger et nager cela n’a rien à voir. Il faut plusieurs années d’apprentissage avant d’être efficace.” La résistance au froid est “naturelle. Personnellement, je plonge même en hiver, je vais chercher des namako (concombres de mer)”. Une vie au rythme des caprices de la météo, et “c’est bien cela le plus difficile : devoir sans cesse jongler avec le climat pour savoir si l’on peut plonger ou pas”. Sur un ton taquin: “Aujourd’hui, il y a aussi des hommes qui plongent mais ils portent des combinaisons étanches : ama c’est un métier de femmes, ils ne pourraient pas résister aussi bien que nous sans toutes leurs protections.” A Sato-umi-an, certaines ama-san se prêtent au jeu de la rencontre avec les gens de passage et les sensibilisent à leur métier. Dans une hutte de bois située face à la mer, elles font griller poissons et coquillages, et expliquent leurs méthodes, présentent les outils qu’elles s’autorisent pour arracher les fruits de mer à la roche, autour d’un déjeuner copieux. “Nous avons chacune nos petits secrets : j’ai confectionné moi-même mon masque de plongée par exemple”, montre-t-elle fièrement.
Pour ceux qui souhaitent approfondir leurs connaissances sur la culture perlière de la région, Morita Tochiko accueille les visiteurs, non loin de là, directement auprès des filets où sont placés huîtres et naissains. La petite dame, au bagout délicieux, a vécu de la culture de l’huître akoya toute sa vie. Elle aime partager l’histoire de son petit port de pêche, regarder les poissons qui nagent dans l’eau claire, observer les huîtres grandir. Elles offrent l’opportunité unique d’aller soi-même chercher une huître dans le filet afin d’en extraire la perle. “Les huîtres akoya ne sont pas comestibles, hormis cette toute petite partie que l’on mange cru, c’est très bon ! Goûtez !” s’exclame-t-elle avec un grand éclat de rire. Une fois la perle récupérée, direction l’atelier où cette dernière peut être travaillée et montée sur un bijou si vous le souhaitez. Un souvenir que l’on n’oublie pas.
Les produits de la mer font particulièrement la fierté de la région de Mie dont la gastronomie est aussi exceptionnelle. Du petit restaurant de sushis au grand restaurant de luxe, on sert, en parallèle à la riche variété de coquillages l’ise-ebi, une sorte de petit homard local. Au restaurant de poissons Sushifumi, un plat à base de sardines au vinaigre et au gingembre est à tomber. Pour un dîner des plus raffinés, l’hôtel Shima Kankô à Kashikojima vous émerveillera. L’établissement exceptionnel offre une vue incroyable sur les ilôts de la baie depuis 1951. Il a accueilli l’empereur à plusieurs reprises et a été sélectionné pour être le lieu d’accueil du sommet du G7 en mai 2016. L’écrivain Yamasaki Toyoko y a également séjourné entre 1955 et 2007 et a fait référence plusieurs fois à la vue sur la mer, depuis l’hôtel, dans plusieurs de ses romans (inédits en français).
Pour les Japonais, Ise-Shima est certes un haut-lieu de savoir-faire culinaire, mais symbolise également et avant tout un profond ancrage dans l’histoire et la religion du pays ; à l’instar d’Ise-Jingû, considéré comme le plus sacré des sanctuaires shintoïstes de l’Archipel. Pour cette raison, il attire une foule compacte et dense tout au long de l’année. On vient pour prier, pour s’imprégner de spiritualité, pour s’engouffrer dans la nature environnante. Dans son enceinte, Ise-Jingu abrite le Kôtai jingû (Naikû), dédié depuis 2000 ans à la déesse ancestrale, Amaterasu, protectrice de la famille impériale, gardienne du Japon, et le Toyo-uke daijingû (Gekû) à la divinité Toyo-uke. Plus de 1 500 rituels religieux sont pratiqués dans le but de satisfaire les divinités japonaises et de garantir la paix dans le monde, la prospérité de la famille impériale et de bonnes récoltes dans les champs.