Le Tôhoku se félicite de l’inscription de ses sites préhistoriques de l’époque Jômon au patrimoine de l’UNESCO.
L’été dernier, alors que le monde entier était absorbé par les Jeux olympiques de Tôkyô, sans spectateurs, peu de personnes ont accordé leur attention à la discrète récompense que le Japon a reçue à peu près au même moment. Le 27 juillet, l’UNESCO a annoncé que les sites archéologiques Jômon, situés dans le nord de l’archipel, avaient été ajoutés à son auguste liste de sites du patrimoine mondial. C’est le vingtième site japonais qui est ainsi enregistré, mais il s’agit d’une première pour un site préhistorique.
La nouvelle a été accueillie avec joie par les habitants de la région du Tôhoku, c’est-à-dire le nord-est de l’île de Honshû, qui, cette année, ont commémoré le 10e anniversaire du terrible tremblement de terre et du tsunami du 11 mars 2011 qui ont dévasté leur région. Les autorités locales comptaient sur les Jeux olympiques pour attirer un grand nombre de visiteurs et relancer l’économie locale. Cet afflux de touristes ne s’est pas concrétisé, en raison de la pandémie. Mais la décision de l’UNESCO a fait naître l’espoir qu’un jour prochain, un essor lié au tourisme pourrait encore avoir lieu.
“C’est un résultat que nous attendions depuis longtemps”, rappelle Hananoki Masahiko, directeur du musée du site d’Ôyu Kanjô-resseki. “J’espère que cela contribuera à revitaliser notre région.” Les groupes locaux qui se sont mobilisés pour sensibiliser et préserver ces merveilles anciennes ont salué la décision, qualifiant les sites de “fierté régionale”.
“Être inscrit sur la liste du patrimoine de l’UNESCO n’est pas notre objectif final. Ce n’est qu’un début”, estime Satô Fumitaka, membre d’une ONG qui se consacre à attirer l’attention du public pour le site de Sannai Maruyama. “Nous voulons coopérer avec les autres régions au sujet de ces vestiges anciens, afin de partager l’attrait de l’ère Jômon.”
Les sites Jômon comprennent 17 sites néolithiques dispersés dans les préfectures du nord-est d’Aomori, d’Iwate et d’Akita dans la région du Tôhoku, et dans l’île septentrionale de Hokkaidô. Ils révèlent la vie d’une société de chasseurs-cueilleurs qui a prospéré dans l’archipel pendant plus de 10 000 ans, après la dernière période glaciaire, d’environ 14 500 à 300 avant notre ère.
Le terme Jômon signifie “cordé”, un mot forgé par l’archéologue Edward Morse en 1877 pour décrire les décorations trouvées sur les poteries de cette période, réalisées en imprimant une corde ou d’autres objets dans l’argile. Les habitants de cette période ont fabriqué certaines des poteries les plus anciennes du monde, dès 14 400 avant notre ère. Les motifs qui décorent la plupart de ces poteries témoignent d’une étonnante sensibilité artistique. Les pots Jômon étaient utilisés pour la cuisine, le stockage des aliments et même comme jarres funéraires pour les enfants.
La population de cette époque se distingue également par le fait que, bien qu’étant des chasseurs-pêcheurs-cueilleurs, elle vivait dans des habitations permanentes à proximité de leurs sources de nourriture – en particulier les côtes de la mer, les berges des rivières et les lisières des forêts. La plupart des autres peuples néolithiques étaient nomades. Cette période marque un point important dans l’évolution de l’humanité : le début de la transition entre le nomadisme des chasseurs-cueilleurs et la vie villageoise durable. Comme l’indique la déclaration de l’UNESCO, la culture Jômon constitue “un témoignage unique du développement sur quelque 10 000 ans d’une culture pré-agricole mais sédentaire, de son système complexe de croyances spirituelles et de ses rituels. Elle atteste de l’émergence, du développement, de la maturité et de l’adaptabilité aux changements environnementaux d’une société sédentaire de chasseurs-pêcheurs-cueilleurs.” Il existe également des preuves d’échanges commerciaux entre des communautés Jômon isolées, d’horticulture rudimentaire et même de gestion forestière.
Parmi les 17 sites recensés, le village de près de 40 hectares de Sannai Maruyama, près de la ville d’Aomori, est l’un des plus grands. Il a prospéré pendant 1 500 ans, de 3500 à 2000 avant notre ère. Le site était déjà bien connu à l’ère Edo (1603-1868). A son apogée, des centaines de personnes auraient habité ici.
Les fouilles, qui ont commencé en 1992, ont mis au jour des habitations à fosse creusée, des bâtiments soutenus par des piliers, des outils en pierre, des poteries, des pots laqués et des objets en os et en bois de cerf. Compte tenu de l’importance de cette découverte, la préfecture d’Aomori a pris en charge la préservation de Sannai Maruyama en 1994. Le site a été ouvert au public l’année suivante. Il a été enregistré comme site historique national en 1997, et comme site historique national spécial en 2000, avec 1 958 objets (le plus grand nombre au Japon) considérés comme des biens culturels importants.
Sannai Maruyama est situé dans des collines verdoyantes, sur une terrasse de 20 mètres de haut surplombant la rivière Okidate. Les visiteurs peuvent se promener dans un village Jômon reconstitué, avec des maisons à fosse, une maison de 32 mètres de long, des monticules de coquillages et des sites funéraires. Quelque 700 habitations à fosse ont été mises au jour jusqu’à présent – des maisons creusées recouvertes d’un toit de chaume, d’écorce d’arbre ou de boue. Le monument le plus emblématique du site est une tour composée de six piliers massifs en châtaignier, haute de trois étages et de près de 15 mètres. On ne sait pas s’il s’agissait d’une tour de guet, d’un phare ou d’une sorte de sanctuaire.
Ne manquez pas non plus de visiter le musée Sanmaru. Il abrite quelque 1 700 objets du site, dont environ 500 biens culturels importants, tous excavés sur le site de Sannai Maruyama. Vous y trouverez également des reconstitutions grandeur nature illustrant la vie quotidienne des habitants de cette période. Vous pourrez vous essayer à la fabrication de poteries de style Jômon et même vous faire photographier dans un costume d’époque.
Vous pourrez également voir des objets fascinants tels que des figures de fertilité féminine, des pots laqués, des perles de jade utilisées dans les rituels chamaniques et les mystérieuses figurines dogû aux yeux globuleux, qui témoignent tous d’un système de croyances spirituelles complexe. A 20 minutes en voiture, sur le site de Komakino, vous pourrez visiter un grand cercle de pierres Jômon de plus de 50 mètres de diamètre.
La fosse à ordures située dans la zone marécageuse au nord de Sannai offre des indices alléchants sur le régime alimentaire de ces populations, car le sol riche en humidité contient des restes remarquablement bien conservés d’os d’animaux et de poissons, ainsi que des graines de plantes, des laques, des objets en bois, des objets tissés et même des œufs de parasites.
Un document de l’UNESCO rappelle que les sites Jômon sont pertinents pour le monde entier, et pas seulement pour le Japon. “Ils possèdent une valeur universelle exceptionnelle en tant que témoignage d’une tradition culturelle unique représentant la manière dont les êtres humains ont coexisté avec la nature sur une immense période de temps”, souligne-t-il.
Le gouverneur de la préfecture d’Aomori, Mimura Shingo, n’a pas manqué de saluer l’importance considérable de la reconnaissance de ces sites par l’UNESCO, rappelant que lorsqu’il était écolier, la période Jômon ne figurait même pas dans “les manuels d’histoire, qui commençaient par la période Yayoi (300 avant J.-C. – 300 après Jomon)”. “La période Jômon est désormais reconnue comme l’une des cultures de base les plus importantes de l’histoire de ce pays”, a-t-il ajouté avec une certaine fierté.
Il a également fait remarquer que le peuple Jômon ne vivait pas seulement en harmonie avec la nature, mais qu’il “travaillait ensemble en paix.” Mimura Shingo estime que ce mode de vie pacifique – coexistence avec la nature, et aussi avec les autres – pendant 10 000 ans en utilisant uniquement la pierre, le bois et la terre, a beaucoup à offrir au monde. “J’espère que tant les habitants de la préfecture que ceux du monde entier pourront réfléchir à l’histoire et à la signification de chacune des traces laissées et désormais accessibles.”
Et n’oublions pas la beauté exquise et le style unique des poteries qui ont donné leur nom au peuple Jômon. En effet, tout comme les peintures rupestres de Lascaux et d’Altamira qui ont été les précurseurs des grandes traditions artistiques de la France et de l’Espagne, la poterie Jômon peut être considérée comme l’origine de la longue tradition de production de céramique artistique du Japon, avec un design et un style sophistiqués qui caractérisent encore aujourd’hui la poterie japonaise.
Steve John Powell & Angeles Marin Cabello
Pour s’y rendre
Le Sannai Maruyama se trouve à 13 min en navette de la gare de Shin-Aomori, ou à 30 min en taxi de l’aéroport d’Aomori.
Shin Aomori se trouve à 4 h de Tôkyô en shinkansen. Le site de Sannai Maruyama propose des brochures et des lecteurs audio en anglais, chinois et coréen.