Pour les amateurs de randonnées, d’escalade ou de nature, le parc naturel de Mikuradake est un must.
A quelques kilomètres à l’ouest de Hiroshima, la circulation se fait au ralenti sur la route 2, l’autoroute côtière qui relie Ôsaka à Kitakyûshû, dans la préfecture de Fukuoka, sur plus de 530 kilomètres. Nous approchons de Miyajima-Guchi, le terminal du ferry pour l’île mystique de Miyajima, où les érables sont à leur apogée en automne. En effet, même d’ici, de l’autre côté de la baie de Hiroshima, on peut voir des panaches d’un rouge vif se détacher sur le vert sombre du mont Misen, le plus haut sommet de Miyajima. Une file interminable de visiteurs fait la queue pour se rendre en pèlerinage sur l’île afin d’y admirer les érables.
Nous les laissons derrière nous et continuons à nous diriger vers l’ouest, à la recherche du parc naturel de Mikuradake et de la montagne légendaire qui donne son nom au parc. Le mont Mikuradake est connu localement sous le nom de Sanbonyari, littéralement “les trois lances”, en référence à ses trois pics aux sommets acérés : Yuhidake (695 mètres), Nakadake (665 mètres) et Asahidake (645 mètres).
Situé au cœur de la campagne de Hiroshima, il est depuis longtemps apprécié des touristes, des randonneurs et des campeurs à la recherche d’un lien avec la nature. Et il n’y a pas de meilleur moment pour explorer la campagne japonaise qu’une journée d’automne ensoleillée comme celle-ci.
De retour sur la route 2, après Miyajima-Guchi, la circulation redevient fluide. Quelques kilomètres plus loin, un virage serré à droite mène à une campagne magnifique. Ici et là, des ponts en fer rouge se détachent sur le feuillage persistant des collines environnantes.
Les choses s’améliorent encore lorsque le court mais splendide pont de Yasaka se profile à
l’horizon, vous faisant traverser le barrage de Yasaka. Ce grand lac artificiel est officiellement classé parmi les 100 plus beaux réservoirs du Japon. Le long du barrage se trouve l’une de ces aires de repos bienvenues qui abondent au Japon, offrant des informations touristiques, des toilettes publiques, des vues panoramiques sur le long lac, et même un petit restaurant de nouilles udon.
A proximité, un groupe de personnes âgées rit en jouant au golf. Vous pouvez également camper ici, prendre un bateau sur le lac ou suivre d’interminables sentiers de randonnée dans les montagnes environnantes qui, à cette époque de l’année, sont d’un rouge, d’un or et d’un orange flamboyants. Devant tant de plaisir, on se dit qu’on reviendra passer une journée entière ici avant l’arrivée de l’hiver.
Mais aujourd’hui, il est temps de reprendre la route, qui nous conduit bientôt dans le parc naturel de Mikuradake. Les trois célèbres pics dominent le paysage, nous interpellent, nous défient. Fidèles à leur nom des “Trois lances”, ils ressemblent à trois fers de lance géants datant de l’âge de pierre. On ne peut s’empêcher de s’arrêter et de regarder le paysage avec admiration.
Au pied des pics, vous suivez les panneaux indiquant l’aire de stationnement et le pavillon d’information, construit dans le style rustique d’une cabane en rondins. Un panneau à l’extérieur du pavillon demande aux grimpeurs de laisser leurs coordonnées à la réception (nom, numéro de téléphone portable, etc.). Si vous n’êtes pas rentré à l’heure de la fermeture, vous recevrez probablement un appel pour vérifier où vous êtes. “Ces dernières années, le site est devenu un lieu d’escalade et les grimpeurs viennent de loin pour admirer les pics rocheux de Mikuradake”, explique Awane Maiko, directrice adjointe du bureau du gouvernement préfectoral de Hiroshima à Tôkyô.
Le sentier qui mène au sommet commence en douceur, traversant une forêt dense d’érables, de pins et de cèdres. Entre les arbres, il fait soudain sombre et frais après le soleil éclatant de la clairière. Le sentier est recouvert de feuilles d’érable rouge sang, car les températures plus fraîches qui règnent ici dans les montagnes font que les feuilles d’érable deviennent rouges et tombent quelques semaines plus tôt que dans les plaines.
Parmi les arbres, vous remarquerez un petit camping, avec des emplacements individuels disséminés à une distance discrète les uns des autres. Sur chacun d’eux, il y a un rectangle de terre battue pour la tente, une table en bois et deux bancs. L’endroit est désert à ce stade avancé de l’année, mais il semble que ce soit un endroit charmant à fréquenter pendant les mois les plus chauds. Des panneaux vous invitant à vous méfier des ours et à éviter de les attirer (en ne laissant pas de nourriture à l’extérieur, par exemple) ajoutent une petite touche d’excitation supplémentaire.
Au fur et à mesure que le sentier progresse, les seuls bruits que l’on entend sont ceux des oiseaux qui gazouillent dans les arbres et quelques bruissements non identifiés dans le sous-bois. Heureusement, il n’y a aucune trace d’ours.
Si vous n’êtes pas du genre à grimper, le plaisir de prendre un bain de forêt dans un cadre aussi idyllique, associé à la vue imprenable sur les sommets, suffit amplement à justifier le voyage.
Pour ceux qui ont l’intention d’atteindre le sommet, le chemin recommandé consiste à monter par la route B et à descendre par la route A. Outre le fait qu’il s’agit de l’option la plus facile, ce chemin permet également d’atteindre les trois sommets. À mesure que vous avancez dans l’épaisse forêt, le chemin devient rapidement très raide. Cependant, comme le veut la tradition japonaise, au lieu de vous laisser vous débrouiller tout seul, des chaînes métalliques et des barreaux ont été plantés dans les rochers pour vous aider à vous hisser sur les parties les plus difficiles. Malgré cela, il faut se préparer à escalader et à grimper vigoureusement sur un terrain escarpé et délicat.
Près du sommet, les trois pics rocheux massifs percent à travers la végétation. A la vue de ces falaises de pierre abruptes, il est facile de comprendre pourquoi les amateurs d’escalade viennent ici pour pratiquer cette activité. Une fois au-dessus de la limite des arbres, les vues panoramiques sur la campagne environnante sont à couper le souffle. Par temps clair, on peut voir au-delà de Miyajima, qui semble minuscule alors qu’elle flotte au milieu de la mer étincelante, jusqu’à Shikoku et Kyûshû.
En redescendant les innombrables marches de pierre, on arrive au parking en fin d’après-midi, bien trop tôt pour envisager de rentrer chez soi. C’est donc le moment de visiter le Marron no Sato (village des châtaignes), au nom intrigant, situé à 3 ou 4 kilomètres de là. Il est présenté comme “un lieu d’échange entre les zones urbaines et rurales”. En d’autres termes, un endroit où les citadins peuvent venir goûter aux plats de la campagne. En pratique, il s’agit d’une sorte d’aire de repos qui combine un magasin de produits frais, un restaurant, un jardin et même une rive à explorer.
La boutique regorge de produits locaux : riz, légumes, champignons, kakis et même assaisonnement à base de chrysanthèmes en poudre. Mais, comme son nom l’indique, c’est la châtaigne qui est à l’honneur, surtout à cette époque de l’année où l’on vient d’en récolter de grandes quantités. Dans le magasin, vous trouverez toutes sortes de produits à base de châtaignes : confitures de châtaignes, gâteaux aux châtaignes, bonbons aux châtaignes. Au restaurant, vous pouvez commander des plats à base de riz aux châtaignes et de légumes sauvages locaux provenant des montagnes.
Enfin, sur le chemin du retour vers Hiroshima, un petit détour permet de rejoindre le barrage de Watanose, un autre réservoir au milieu duquel se trouve une île couronnée d’arbres. De là, des routes étroites et sinueuses vous conduisent à travers des forêts denses de bambous et de pins qui descendent jusqu’au bord de la rivière dans le soir qui tombe. De hautes montagnes bloquent le soleil couchant, ce qui donne une impression de froid et de solitude. Il n’y a pas de circulation et pratiquement aucun signe de vie humaine, à l’exception de quelques maisons de campagne éparpillées, avec des radis daikon et des kakis suspendus pour sécher à l’extérieur. Dans cette obscurité feutrée, un petit groupe de personnes âgées émerge près d’un torii rustique pour une sorte de festival shintoïste.
De retour sur la route 2, une pleine lune –énorme et jaune – éclaire Miyajima. La silhouette du mont sacré Misen se dessine, sombre et mystérieuse, au-dessus de l’île. Les touristes d’un jour sont tous rentrés chez eux. Dans la nuit de la forêt vierge, l’île est redevenue le royaume des dieux shintoïstes.
Steve John Powell & Angeles Marín Cabello