La création de parterres fleuris par des collégiens a permis de changer la physionomie de quartiers dévastés.
En 2012, les élèves de première année ont suivi un cours général sur le thème de la reconstruction à notre mesure. Le déclic en a été ce projet de plantation de fleurs dans l’ancienne école primaire de Kadonowaki dévastée lors du séisme. L’idée première a été d’apporter le sourire à tous les habitants de ce quartier.
A ce moment-là, comme on préconisait aussi la démolition de l’école, la réalisation du projet des élèves n’a pas été facile. Mais les enseignants avec leur association Jen ont apporté leur aide. Un jour, Ogata Katsuju, propriétaire du restaurant Ajihei qui se trouve juste devant l’école, a proposé le parking de son établissement pour la plantation de fleurs.
A la même époque, est apparu un autre projet pour donner les parterres de fleurs dans une autre école primaire, celle d’Okaido, dont de nombreux élèves du collège sont aussi issus. Mais la terre dont on disposait était inutilisable, car polluée par les débris transportés par le tsunami. Mais grâce au comité de l’assistance sociale de Misatochô, contacté par l’association Jen, les agriculteurs de la ville de Higashimatsushima leur ont fourni de la terre.
Plantation par grand froid.
Le 21 novembre 2012, les élèves ont commencé leur plantation dans les bacs, puis le 28 dans les parterres. Ont été plantés des bulbes de pensées et de tulipes offertes par l’association des graines et bulbes du Japon. Malgré le vent violent et le froid, les élèves les ont précieusement mis en terre. La forme du parterre a aussi été conçue par les élèves : une femme et un homme se tenant par la main avec un cœur superposé. Au bord étaient accrochés des écriteaux avec les mots d’élèves comme “Courage”, “Sourire”. Lors de cette première plantation, le projet avait été baptisé Projet pour plein de fleurs. C’est en mars 2013 que le nom a changé pour Projet des parterres qui nous relient”.
Quand on a demandé aux élèves la création du panneau pour le parterre, on a opté pour l’idée de mettre en avant le mot de “lien”. On y voyait le souhait de “lier les régions, et passer le lien au suivant”, et plein de fleurs y étaient dessinées à grande échelle.
“Je voudrais que beaucoup de jolies fleurs embellissent notre région. J’ai hâte de voir l’arrivée du printemps”, a expliqué un élève interrogé lors de la plantation. En mai, lors de leur visite, les élèves passés en seconde année ont pu découvrir le parterre devenu multicolore. A la vue de ces fleurs, ils n’ont pas caché leur émotion : “Même dans les endroits dévastés, ces fleurs vont encourager les gens”.
Une solidarité qui dépasse la région
Depuis, le projet a commencé à dépasser le cadre de notre préfecture. En juin 2013, contactée par M. Ogata qui avait proposé son terrain aux élèves, l’association de la ville de Karasuyama, à Nasu dans la préfecture de Tochigi, a collaboré pour rassembler près d’une centaine d’élèves de neuf établissements allant de l’école primaire au lycée, et les faire participer à la plantation de près de 3000 fleurs sur de nouveaux parterres. Le même mois, les élèves de seconde année du collège de Sakushin Gakuin, de la ville de Utsunomiya, ont travaillé avec leurs camarades de Kadonowaki, pour planter près de 1500 fleurs d’été comme des tournesols ou des tagètes.
La ville de Karasuyama est la seule ville de la préfecture où ont été bâties des habitations provisoires après le séisme.
Les élèves du collège de Sakushin Gakuin ont tissé des liens avec leurs camarades de Kadowaki, avec pour but commun d’encourager les gens à travers la plantation des fleurs. Le collège de Kadowaki a offert la moitié des bulbes de tulipe au collège de Sakushin Gakuin, déterrée lors d’un travail collectif. Et ces tulipes ont vu le jour au collège et à l’école primaire de Sakushin Gakuin. La relation entre les deux établissements s’est poursuivie, débouchant sur une réunion entre les élèves de première année.
Pendant ces deux années d’activités, d’autres liens ont été créés dans la région. Lors de la plantation des fleurs, beaucoup de citoyens se sont manifestés avec en tête M. Ogata. Certains ont même continué à prendre soin des parterres sans que les élèves ne soient au courant. Les activités principales ont été prises en charge par les élèves de première année. Quant à la surveillance, c’est tout l’ensemble du collège qui s’en est occupé avec les élèves de bonne volonté et l’aide de différents clubs.
Prix de la communauté
Toutes ces activités ont été reconnues de part et d’autre. En octobre 2014, le comité d’élèves a reçu le prix de la communauté décerné dans le cadre du Prix de l’esprit bénévole créé par la société d’assurance-vie-Prudential et soutenu par la ministre de la Culture. Lors de la cérémonie en novembre dans la ville de Kôriyama, dans la préfecture de Fukushima, la présidente du comité d’élèves, Iwamoto Ayana, en dernière année du collège, s’est présentée. Elle était en première année de collège au début du projet. “Le projet a été réalisé avec le soutien de nombreuses collaborations. Seuls, on ne serait pas arrivé jusqu’au bout”, a-t-elle déclaré.
Le Projet de parterres qui nous relient s’est beaucoup développé. Mais compte tenu de la réorganisation des quartiers de Kadowaki et Minamihama qui doit déboucher sur la création du nouveau quartier de Kadowaki où seront implantés des logements sociaux et un parc dédié à la reconstruction, on envisage de cesser les activités de ce projet.
“Quand bien même on supprimerait des parterres, il en restera un fort sentiment de partage entre nous”, estime Iwamoto Ayana. Le nombre total des parterres s’élève à 22 sur un kilomètre de longueur. Près de mille personnes y ont participé. Cette belle idée de nos jeunes qui souhaitaient donner “des couleurs pour effacer la grisaille de notre ville” a-t-elle fait bouger les gens, fleurir les fleurs, et apporter la force à ceux qui ont rendu visite aux habitants et à la ville sinistrée d’Ishinomaki ? Telle est la question.
Quoi qu’il en soit, leur action est liée à l’émergence d’une nouvelle ville pleine de sourires. C’est bien ce que les élèves ont voulu exprimer dans leur slogan : “Des couleurs pour effacer la grisaille de notre ville”.
Abe Tatsuhito
Comme nous vous l’avions annoncé dans notre numéro de mars 2014, nous avons entamé la publication d’une série d’articles rédigés par l’équipe de l’Ishinomaki Hibi Shimbun dans le but d’informer les lecteurs sur la situation dans l’une des villes les plus sinistrées. Malgré ses difficultés, ce quotidien local continue à enquêter et à apporter chaque jour son lot de nouvelles. Si vous voulez le soutenir dans sa tâche, vous pouvez vous abonner à sa version électronique pour 1000 yens (moins de 7 euros) par mois :
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