Lire des mangas en VO? Rien de plus facile, à condition de prendre le soin de lire entre les cases…
Il y a dans la production de mangas une proportion considérable de publications où le décor occupe une place aussi importante, au moins graphiquement, que celle des personnages. La bande dessinée ne fait pas que raconter, elle montre. De nombreux auteurs de manga recourent à la photographie et il n’est pas rare, surtout dans le cas d’un travail de studio, que le dessin des décors soit à la charge d’assistants. La distinction dans la mise en place des différents éléments de la page pousse parfois certaines équipes à isoler le décor dans des cases sans personnages, telles une transition, une approche, une parenthèse, voire un rappel du lieu de l’action, selon un dessin au réalisme tellement soigné qu’il rend inutile toute autre évocation dans les autres cases où les personnages évoluent alors sur un fond blanc.
Passé maître en la matière depuis quelques décennies déjà, ADACHI Mitsuru (H2, Katsu!) excelle ainsi à faire ressortir tout ce que peut exprimer un personnage : émotions, sentiments, pensées, paroles… Poussé à son paroxysme, ce procédé permet d’isoler certaines répliques dans des cases sans personnages. Et Pipo de continuer ses lectures en VO… Dans une de ces cases, son œil n’a qu’une seule chose à fixer : le texte, qui se détache sur un à-plat, une trame, un bout de ciel ou de tatami. Des mots forcément chargés de sens, se plaît alors à croire Pipo, marquant l’arrêt :
どこいっちまったんだろ?あいつ…
Doko icchimattan daro? Aitsu…
Où est-ce qu’il est passé, celui-là?…
Du japonais comme on ne l’écrit jamais, sauf dans les mangas. Plus scolairement, on dirait en effet : Aitsu wa doko e itte shimatta no darô? (あいつはどこへ行ってしまったのだろう?) Mais ce ne serait pas aussi naturel. Alors on taille dans le texte : ellipse du sujet (aitsu) qui se fait sortir de la phrase, omission des particules (wa et e), réductions et contractions phonétiques (itte shimatta devient icchimatta, et l’allongement du o de darô disparaît).
住んでる場所が遠すぎて、毎日会うことはできない。
Sunderu basho ga tôsugite, mainichi au koto wa dekinai.
On habite trop loin (l’un de l’autre) pour pouvoir se voir tous les jours.
Deux propositions, deux verbes, mais aucun sujet. Cache-cache avec les mots, cache-cache avec les décors… Dans les mangas de ADACHI Mitsuru, le lecteur passe son temps à chercher les personnages… et finit toujours par trouver.
よくここがわかったな、母さんにも内緒にしてたのに。
Yoku koko ga wakatta na, kâ san ni mo naisho ni shiteta no ni.
Comment tu as su que j’étais ici? Ta mère n’est même pas au courant.
Pierre Ferragut
Pratique :
Le mot du mois
見つかる (mitsukaru) : trouver
2時間も探し続けたものが見つかりました。
Ni jikan mo sagashi tsuzuketa mono ga mitsukarimashita.
J’ai trouvé ce que je cherchais depuis 2 heures.