Les sous-entendus font partie de la langue japonaise, alors mieux vaut savoir les apprivoiser. Il y a quelque chose d'exaltant à appréhender une langue étrangère à partir des singularités de la société qui la véhicule. Il est même frappant de constater à quel point elle peut en épouser les lignes, les courbes, les volumes, les travers, les inclinaisons… Le "bordel ambiant" que Pipo évoque renvoie à ces paysages délicieusement confus, fouillis, ces bric-à-brac urbains que la ville japonaise produit sans relâche depuis des générations, comme on entretient un patrimoine. Des morceaux de vie taillés dans le décor qui tirent leur légitimité du manque d'espace, mais qui, aux yeux de l'observateur, ne s'articulent les uns aux autres que si l'on prend le soin d'en limiter la quantité en cadrant un tant soit peu son regard. La ville est un langage, et comme une langue, il faut prendre le soin de la lire, de s'y glisser et d'avancer en suivant la ponctuation, marquer les virgules, s'arrêter aux points,...