Dans l'enseignement du japonais, les katakana ne sont souvent pas considérés à leur juste valeur. Ils sont pourtant indispensables. L'art de la reconstitution, ce n'est pas seulement tous ces plats en plastique qui habillent les vitrines des restaurants de l'archipel et qui font tourner les yeux des touristes. C'est aussi, du point de vue linguistique, les katakana et leur formidable capacité à rendre compte de sonorités qui a priori n'ont rien à voir avec les sons de la langue japonaise. Les katakana réussissent en effet ce tour de force qui consiste à formuler phonétiquement, d’une façon qui allie la géométrie à la poésie, ce qui bien souvent est imprononçable. Les Japonais disposent d'une cinquantaine de syllabes pour exprimer leur perception du monde sonore qui les entoure. C'est peu, alors à la fin de l'été, quand l'inimitable chant des cigales commence à perdre de son ardeur pour gagner en rondeur, les katakana s'approprient sans scrupules ce qu'aucun être humain n'est censé pouvoir prononcer pour l'enfermer dans une onomatopée à rebondissements évocatrice à souhait :...