Annonces, panneaux, enseignes, écrans… Tendez l’oreille et ouvrez grand les yeux. La langue japonaise vient à vous.
Une des principales qualités que le Japon se voit encore régulièrement attribuer par des Français partis découvrir l’Archipel, c’est le côté bien huilé de toutes les infrastructures d’accueil et de transport. Tout marche dans cette société (tout court diront certains), et il n’y a bien que les typhons ou les tremblements de terre pour parvenir à briser la cadence. Peu d’improvisation et beaucoup de prévoyance. Tout est organisé, il n’y a qu’à se laisser porter. La découverte linguistique du Japon ne commence donc pas par un parcours du combattant ni par une succession de mauvaises surprises, mais plutôt par une immersion des sens toute aussi immédiate que plaisante. Le bonheur des premiers instants réside en grande partie dans cet effacement provisoire du recours à la parole face à ce qui s’offre à la vue et aux oreilles. Une bien agréable façon d’entrevoir qu’être bavard au Japon n’est pas forcément un plus, et que l’on peut d’ailleurs y passer une journée entière sans prononcer un mot… Car pour faire leurs courses ou se restaurer, nombre de Japonais se contentent de sortir leur portefeuille. Certaines chaînes de restauration rapide, comme Matsuya ou Yayoiken, disposent de distributeurs automatiques de tickets qui permettent de passer sa commande sans même échanger un regard avec le serveur, serveur à qui l’arrivée du nouveau client n’a pourtant pas échappé et qui s’évertue à clamer de toutes ses forces :
いらっしゃいませ!
Irasshaimase !
Bienvenue !
Difficile de passer inaperçu, même muet. On ne dit rien, on reste silencieux, mais la ville abreuve de sons, dans la rue, dans les magasins, devant les distributeurs automatiques, dans les transports en commun.
ドアが閉まります。ご注意下さい!
Doa ga shimarimasu. Gochûi kudasai !
Attention à la fermeture automatique des portières !
Même les camions parlent… En marche arrière, ils entonnent d’une voix féminine, comme pour mieux se détacher des bruits du moteur, sur un ton dynamique et répétitif à souhait :
バックします!
Bakku shimasu !
Je recule !
La langue japonaise est partout. Vidés de leur sens, tous ces mots ne seraient que bruits, formes, couleurs, des agressions pour l’oreille comme pour l’œil qui finiraient un jour où l’autre par saturer. Ceux qui affirment pouvoir se passer du japonais pour vivre au Japon passent à côté de choses essentielles. Comprendre cette langue, c’est aussi comprendre de quoi est fait l’environnement des gens qui la véhiculent et la font vivre.
Pierre Ferragut
Pratique :
Le mot du mois
感激 (kangeki) : profonde émotion
初めての日本… 感激です。
Hajimete no nihon… Kangeki desu.
Mon premier Japon… Emotion.