A Kitakata, la brasserie Yamatogawa produit un alcool 100 % contrôlé et soutient les producteurs de la région. Située à l'extrême nord-ouest de Fukushima, à la frontière avec Yamagata et Niigata, la province d'Aizu est connue pour la saveur de son eau, de son riz, et de son saké. Epargnée par les vents et les pluies radioactives qui ont suivi les explosions nucléaires de mars 2011, Aizu reste cependant affiliée à son nom administratif : Fukushima. Pourtant, Satô Yauemon a décidé de ne pas se laisser abattre par le sort et de sortir son entreprise de ce pétrin. Il est la neuvième génération des Satô à transmettre le savoir-faire du brassage du jizake dans sa ville de Kitakata. Sa persévérance et la réputation de la maison ont pu avoir raison des discriminations. Les raisons de ce succès : le contrôle drastique du taux de césium pour chaque fût de saké. Les senteurs enivrantes montent à la tête tandis que nous visitons la brasserie Yamatogawa où se prépare le nouveau saké de l'année. La structure date d'une vingtaine d'années mais le savoir-faire est ancestral. "Nous existons depuis la révolution française !" s'exclame Satô Yauemon. Créé en 1790, le domaine de Yamatogawa se prépare à fêter le 224ème anniversaire de sa marque de saké Yauemon. "Avant, on avait juste le saké 1ère classe, 2e classe et platina, exactement comme dans l'avion", dit-il. A présent, la palette des sakés est infinie, du grand cru au saké de table, ils sont classés selon le degré de polissage du grain, le temps de fermentation, l'ajout ou non d'alcool. Malgré ces déclinaisons, le processus de base ne change pas. Entièrement fabriqué avec son propre riz, le saké Yauemon est un vrai jizake de terroir. Satô Yauemon est un homme d'affaires dynamique qui parcourt le monde pour parler du saké, source intarissable de son inspiration. "Le saké apaise le cœur, donne du courage. Pendant la guerre, il arrivait qu'un homme tue et revienne la main crispée sur son arme, on lui donnait alors un verre de saké. Il a aussi des vertus désinfectantes, agrémente les repas, favorise les rencontres amoureuses… ou les fait rater, c'est selon", rit-il. Au Japon, le saké est sacré. Le Omiki, mot à mot saké des dieux, est fabriqué avec amour dans les sanctuaires et donné en offrande à chaque festivité shintô. "Les quatre éléments essentiels du quotidien sont le saké, le riz, l'eau et le sel", répète Satô Yauemon. Il a deux fils qui reprendront la maison après lui. En attendant, il mène d'une main de fer son entreprise, qui a traversé maintes tempêtes. "La septième génération a vécu le grand séisme du Kantô en 1923. Mon grand-père était un militaire, et avait gardé des barils d’eau en réserve sous la maison. Grâce à cela, nous avons pu reprendre la production de saké. S'il y a de l'eau, tout est possible". Et la réputation de l'eau de Kitakata n'est plus à faire. Outre son saké, les râmen (nouilles en bouillon) de Kitakata sont connus dans tout l'archipel. "L'eau est si douce que même un café instantané a bon goût", murmure notre homme. Coulant des monts Ide, elle irrigue les rizières qui parsèment cette région qui compte 4600 kuras, ou greniers. "Nous sommes encore une des rares brasseries à cultiver notre propre riz", affirme fièrement Satô Yauemono. Un riz 100 % bio garanti sans engrais chimique. La brasserie Yamatogawa possède 25 hectares de rizières. Non commercialisé à l'extérieur de Fukushima, ce riz est pourtant utilisé pour la confection du saké. "Aucun riz de Fukushima n'est vendu dans les supermarchés en dehors de la préfecture. C'est peine perdue: même s'il est aux normes, personne ne l'achètera", explique son frère Kazunori. Le gouvernement a établi un seuil de tolérance de 100...