Dans son dernier film, Yaguchi Shinobu a choisi de confronter une famille ordinaire à une situation extrême. Yaguchi Shinobu est surtout connu pour ses comédies légères et sensibles comme Waterboys (2001) ou Swing Girls (2004) dont les personnages, des individus un peu en marge de la société, se lient d'amitié et s'épanouissent grâce à une activité inhabituelle. Cependant, son dernier film, Survival Family, exploite le genre habituel de comédie pour explorer des thèmes plus sérieux, comme le rapport de l'homme à la technologie, les effets négatifs que celle-ci peut avoir sur les relations familiales et les chances de survie dans des conditions extrêmes. J'ai entendu dire que vous n'avez pas de smartphone. Je suppose que vous et moi sommes les deux seules personnes au Japon à ne pas en posséder. Yaguchi Shinobu : Vraiment ? Vous n'avez pas non plus de smartphone ? Je comprends parfaitement ce que vous pouvez ressentir. Avec un appareil de ce genre, partout où vous allez, vous êtes constamment pris par une sorte de frénésie de l'information, avec moins de temps pour être seul avec vos pensées. C'est un peu comme si on abandonnait une part de sa vie privée. Je déteste vraiment cela. La technologie est l'un des principaux thèmes de Survival Family, l'histoire du voyage d'une famille tokyoïte à travers le Japon après la fin de la production d'électricité dans le monde. Pourquoi vouloir raconter cette histoire ? Y. S. : J'ai commencé à planifier ce film en 2002, peu de temps après avoir terminé Waterboys. C'est à cette époque que j'ai acheté mon premier téléphone portable. J'avais aussi un ordinateur à la maison, mais je n'aimais pas vraiment la technologie, probablement parce que je n'ai jamais vraiment eu une attirance pour les machines. Autour de moi, on ne manquait pas une occasion de se plaindre ou de se moquer de mon ineptie. J'étais tellement frustré qu'un jour je me suis mis à espérer que l'électricité disparaisse complètement, ce qui aurait mis un terme à ma condition. C'est ce qui m'a donné l'idée de faire ce film. En un sens, c'est un avertissement moral pour notre société, puisque nous sommes devenus si dépendants de la technologie. Le protagoniste et sa famille, les Suzuki, s'engagent dans un voyage biblique pour rejoindre les parents de l'épouse qui vivent dans la préfecture de Kagoshima, à quelque 1 500 kilomètres au sud de la capitale. Comment avez-vous choisi les lieux pour le film ? Y. S. : Au début, j'ai essayé d'imaginer la route que les Suzuki choisiraient d'emprunter pour rejoindre Kagoshima et le paysage qu'ils traverseraient pendant leur voyage vers le sud. Plusieurs des situations que je voulais aborder ont imposé des endroits où je pensais qu'il serait difficile d'obtenir la permission de tourner, surtout dans et autour de Tôkyô. Ma principale préoccupation a donc été de trouver tous ces lieux. Par exemple, notre famille se rend de Tôkyô à Nagoya par l'autoroute laquelle,...