Rien ne va plus pour le Premier ministre qui a bien du mal à appliquer
ses promesses électorales.
A u cours de la campagne électorale de l’été 2009, Hatoyama Yukio, alors leader du Parti démocrate (PDJ), avait promis aux Japonais de régler la question de la base américaine de Futenma, à Okinawa, en faisant en sorte de la relocaliser en dehors de cette préfecture qui abrite déjà 75 % des forces de l’oncle Sam présentes sur le territoire nippon. Sujet sensible depuis plusieurs années, le gouvernement dirigé par le Parti libéral-démocrate (PLD) n’avait jamais voulu remettre en question la présence de Futenma malgré la pression populaire. Aussi la promesse de Hatoyama avait-elle été bien reçue, contribuant à renforcer l’image d’homme du changement que le numéro un du PDJ incarnait. Cela lui a permis de remporter le scrutin le 30 août et de prendre la place que le PLD détenait depuis près de 50 ans. Toutefois, dès son arrivée au pouvoir, il ne s’est guère montré empressé de remplir son engagement, affirmant qu’il ne fallait pas brusquer les choses, mais qu’il ne se laisserait pas dicter sa conduite par Washington. Au fil des mois, cette indécision a conduit une bonne partie des Japonais à exprimer leur défiance vis-à-vis du Premier ministre dont la cote de popularité n’a cessé de dégringoler. Avec à peine 30 % d’opinions favorables, Hatoyama Yukio est au même niveau que ses prédécesseurs du PLD, ce qui en dit long sur la déception de la population. A Okinawa, elle a été décuplée lorsque le chef du gouvernement a déclaré, le 4 mai, qu’il était « impossible » de relocaliser la base de Futenma en dehors de la préfecture. « Nous sommes face à une situation qui ne nous permet pas d’envisager de façon réaliste le déplacement de la base au-delà des limites d’Okinawa. Nous devons demander à la population locale d’accepter de supporter cette charge », a-t-il ajouté. Quelques jours plus tard, il a même proposé la construction dans la baie de Henoko, tojours à Okinawa, d’une nouvelle base dotée d’une piste d’atterrissage de 1 800 mètres reposant sur des pylônes.
Pour les Okinawais, c’est évidemment inacceptable, d’autant plus qu’ils ont manifesté massivement à plusieurs reprises leur opposition. Le 25 avril, ils étaient plus de 90 000 à se mobiliser pour rappeler au Premier ministre sa promesse. Cette volte-face pourrait bien avoir des conséquences désastreuses pour le PDJ lors des élections sénatoriales de juillet prochain. Il est en effet peu probable que les électeurs favorisent les candidats du Parti démocrate incapable de respecter la parole donnée. Pour éviter le pire, certains membres de sa formation lui recommandent de démissioner afin de limiter les dégâts. Voilà qui résume bien la situation politique dans le pays et les difficultés des dirigeants à aborder de front les dossiers les plus chauds. Le drame du Japon, c’est de ne pas pouvoir compter sur une classe politique courageuse. Hatoyama Yukio n’échappe pas à ce constat, ce qui ne manque pas de contrarier l’opinion publique qui attendait de ce personnage qu’il apporte un vent de changement dont l’Archipel a cruellement besoin.
Gabriel Bernard