Les Français lisent beaucoup de manga. Mais ils n’en connaissent pas l’histoire. Une carence comblée par un livre très riche.
Vous en rêviez, Karyn Poupée l’a fait. En moins de 400 pages, la journaliste française vous offre sur un plateau d’argent son Histoire du manga. Elle y raconte les grandes étapes de son développement, brosse les portraits des principaux acteurs et analyse le processus qui a conduit à en faire une industrie du divertissement. Le style est agréable et l’on prend plaisir à plonger dans les chapitres qui détaillent décennie après décennie les moments clés au cours desquels le manga a commencé à pointer le bout de son nez avant de conquérir le cœur des Japonais et aujourd’hui des habitants de toute la planète. On fait ainsi la connaissance de Shô-chan, “jeune reporter flanqué d’un animal, dont les aventures ont été publiées dans le journal Asahi Graph à partir de 1923”, explique l’auteur. S’il rappelle Tintin, il ne s’en est pas inspiré dans la mesure où le personnage dessiné par Hergé n’est apparu qu’en 1929 dans Tintin chez les Soviets. Shô-chan est un des premiers grands succès de la bande dessinée au Japon et annonce le premier “boom” du manga dans les années trente sur fond de montée du militarisme. L’un des attraits de l’ouvrage est de remettre l’évolution du manga dans le contexte historique du pays, ce qui permet de mieux saisir encore l’impact de ce mode d’expression. Rappelons que le sous-titre du livre de Karyn Poupée est “l’école de la vie japonaise”. En effet, à la lecture de cet ouvrage documenté, on en apprend beaucoup sur le Japon et les Japonais. Pourtant, ce qui pourrait fournir un sentiment de satisfaction se transforme au fil des pages en une sorte de malaise. Devant la quantité d’informations données par la journaliste qui suppose d’avoir une connaissance quasi encyclopédique du manga, il est étonnant de ne trouver aucune référence. Les deux seules notes de l’ouvrage se trouvent dans l’introduction. Elles concernent le pluriel du terme manga et le fait que les propos de Moebius qui y figurent ont été recueillis “lors d’un entretien exclusif inédit”. Soit. Mais on reste sur sa faim. Il ne s’agit pas d’un travail universitaire, c’est entendu. Cependant, cette déferlante de données aurait pu être accompagnée sinon de notes d’au moins de quelques références bibliographiques utiles pour prolonger la lecture et empêcher le lecteur assommé par tant de connaissances de s’interroger sur leur origine.
Odaira Namihei