En 2010, près de 70 % des prostituées arrêtées étaient Japonaises. Il y a 10 ans, elles ne représentaient que 4 % des cas.
Signe des temps, les affaires de prostitution mettant en cause des Japonaises sont en forte augmentation. Un phénomène qui illustre de façon dramatique la crise qui frappe le pays et pousse nombre de personnes à vendre leur corps pour survivre. En 2010, dans la seule ville de Tokyo, sur les 129 personnes arrêtées pour prostitution, près de 70 % d’entre elles étaient de nationalité japonaise. Il y a dix ans, les Japonaises ne représentaient qu’à peine 4 % des arrestations dans des affaires de prostitution. Ce renversement de tendance qui a commencé il y a cinq ans inquiète d’autant plus les autorités que les individus concernés sont jeunes et les groupes criminels semblent de plus en plus impliqués. L’éclatement de la bulle financière au début des années 1990 avait été pour beaucoup de jeunes à l’époque un coup dur, car cela remettait en cause leur mode de vie fondé sur la consommation à outrance. Bon nombre de jeunes lycéennes avaient alors pratiqué l’enjo kôsai (aide relationnelle) consistant à passer quelques heures avec un homme d’un certain âge contre versement d’argent. En 1996, une enquête avait révélé que 4,4 % des lycéennes et 3,8 % des collégiennes avaient fait l’expérience de l’enkô (contraction de l’expression enjo kôsai). A l’époque, cela avait suscité une vague d’émotion importante, amenant les autorités à lancer des campagnes d’information et de prévention. Au regard des chiffres de la prostitution publiés fin 2010, il semble que les efforts consentis n’ont pas eu les effets escomptés. Selon le département en charge de ces questions au sein de l’Agence de la police nationale, des adolescentes figurent parmi les personnes arrêtées l’année dernière dans la capitale. Le quartier de Kabukichô à Shinjuku, réputé pour ses bars, est un des hauts lieux de la prostitution, mais les responsables de la police savent que l’usage de la téléphonie mobile et d’Internet rend plus difficile une localisation précise des lieux de rendez-vous entre les prostituées et leurs clients. Par ailleurs, le retour en force du crime organisé dans ce secteur et son emprise éventuelle sur des jeunes ne rassurent pas les autorités. Ces dernières renforcent donc leurs effectifs notamment au niveau féminin afin de donner un peu plus de poids aux opérations de prévention. Dans les mois à venir, les nouvelles recrues vont sillonner les endroits sensibles pour aborder les personnes qu’elles jugeront comme cibles potentielles afin de leur expliquer les risques et les conséquences liés à la prostitution. Cela suffira-t-il pour enrayer le phénomène ? De nombreuses voix en doutent, estimant qu’en l’absence de perspectives d’avenir, beaucoup de personnes trouveront dans cette activité un moyen simple et efficace de gagner leur vie. Fin décembre 2010, le Tokyo Shimbun rapportait le cas d’une jeune femme qui se vendait 20 000 yens [180 euros].
Gabriel Bernard