Deux ouvrages récents viennent nous montrer que l’avenir de l’archipel n’est pas aussi sombre qu’il y paraît.
Les éditeurs français, on ne s’en plaindra pas, nous régalent depuis quelques années de nombreuses traductions de romans japonais, permettant de nous familiariser avec une littérature riche et variée. Toutefois, on peut regretter qu’ils soient beaucoup plus frileux quand il s’agit de publier des essais sur le Japon. Si l’on regarde ce qui paraît en Grande-Bretagne, aux Etats-Unis voire même en Allemagne, la France fait figure de parent pauvre en particulier en ce qui concerne le Japon contemporain. On ne s’étonne donc pas de découvrir que le dernier essai de Régine Serra, enseignante à Sciences-Po Paris, soit publié par un éditeur bruxellois. Peu importe, direz-vous, l’important étant que le livre soit distribué en France. Certes, mais il n’empêche qu’il faudrait que les maisons d’édition françaises se préoccupent de soutenir le travail des chercheurs français qui ont tout autant à dire que leurs homologues anglo-saxons bien mieux lotis. Pour preuve, l’excellent ouvrage de Régine Serra qui, en 140 pages, permet de saisir la situation compliquée dans laquelle se trouve actuellement le pays du Soleil-levant, notamment en matière de politique étrangère, domaine que l’auteur connaît très bien. La diplomatie japonaise n’a jamais beaucoup intéressé les Européens qui ont toujours vu le Japon comme le vassal des Etats-Unis et l’ont considéré comme un nain politique. Régine Serra nous montre très bien que cette vision un peu caricaturale n’est évidement plus d’actualité et que les Japonais sont tiraillés entre un désir d’émancipation et la peur de l’inconnu à un moment très délicat de leur histoire. Rappelons que le pays traverse sa plus grave crise économique et sociale depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale et que l’environnement géopolitique actuel n’a plus rien à voir avec la période de la guerre froide au cours de laquelle le Japon pouvait compter sur son allié américain. Tous ces éléments sont très bien expliqués par l’auteur du Défi japonais. Le plus plaisant dans cet ouvrage, c’est la volonté de Régine Serra d’aborder ce thème avec simplicité et pédagogie. Il s’agit d’un ouvrage de vulgarisation de grande qualité qui permet de saisir parfaitement les enjeux auxquels les Japonais sont confrontés. “Reste que Tokyo ne semble pas encore être parvenue à définir sa propre vision de ce que doit être le nouvel ordre mondial pour faire évoluer l’alliance avec les Etats-Unis en adéquation avec ses impératifs propres”, note l’auteur. En dépit de ce constat, Régine Serra ne se veut pas pour autant pessimiste. Elle termine d’ailleurs son essai sur une note plutôt positive, montrant que les Japonais, même s’ils sont à la peine, cherchent à trouver leur chemin et qu’ils sont en mesure d’y parvenir.
C’est aussi le sens du message que Jean-François Sabouret délivre dans Japon, la fabrique des futurs. Il s’agit moins d’un essai que d’un coup de gueule contre ceux, les Japonais en premier peut-être, qui pensent que le Japon est foutu ou qu’il appartient au passé. Il est vrai que tous les regards se sont tournés ces dernières années vers la Chine, reléguant le pays du Soleil-levant aux oubliettes. Pour ce spécialiste du Japon, les Occidentaux ont bien tort de négliger l’exemple japonais. “Le Japon, même si un certain nombre de voyants économiques et sociaux sont au rouge, a encore de belles longueurs d’avance devant ses voisins et désormais partenaires. Ils les a dans les domaines de l’éducation supérieure et de la formation, de la protection sociale, du système des retraites, des salaires, de l’accès à la propriété, de l’accès à un confort de vie pour le plus grand nombre”, rappelle Jean-François Sabouret. Certains pourraient lui rétorquer qu’il enjolive la réalité et que l’éducation supérieure, le système de protection sociale ou le système des retraites ont du plomb dans l’aile. Mais l’important n’est pas là. Ce que le directeur du Réseau Asie-Imasie défend, c’est l’idée que le Japon reste un modèle à observer dans la mesure où bon nombre des défis auxquels il doit faire face aujourd’hui seront ceux que les Occidentaux affronteront dans un avenir pas si lointain. “En observant la manière dont les Japonais y réagissent, il y a beaucoup de leçons à tirer”, ajoute-t-il en substance avec la verve et la générosité qu’on lui connaît. Le Japon, ce n’est pas le passé. C’est le futur assurément.
Odaira Namihei