Seule Occidentale à exercer ce métier, l’Australienne a consacré beaucoup d’énergie pour appartenir à cet univers d’artistes.
La rencontre de Sayuki – elle refuse qu’on divulgue sa véritable identité - avec le Japon a eu lieu alors qu’elle avait 15 ans. “J’étais venue pour passer une année dans une famille japonaise en totale immersion. Je ne savais pas grand chose sur ce pays avant d’y arriver, mais c’était pour moi une chance de fuir mon quotidien et de connaître l’aventure. Retrospectivement, je me rends compte que cette expérience et le japonais que j’ai appris à ce moment-là m’ont été indispensables pour devenir geisha”, explique-t-elle. Elle a finalement passé plusieurs années dans l’archipel, se familiarisant petit à petit avec la culture et les traditions locales. “J’étais à un âge où l’on peut s’adapter facilement à une culture étrangère et la comprendre. J’ai toujours pensé que le monde serait plus tranquille si l’on permettait à des jeunes de vivre plusieurs mois dans un autre pays”, ajoute Sayuki avec assurance.
Devenue anthropologue, elle a partagé son temps entre l’université et le journalisme. “J’avais un pied à la télévision pour laquelle je réalisais des documentaires. C’est par ce biais que j’ai abordé l’univers des geishas. Le livre Mémoire d’une geisha venait de sortir. J’avais alors proposé de faire un documentaire qui traiterait de ce sujet du point de vue d’une geisha. Je ne l’ai finalement pas réalisé, mais un jour, je le ferai”. Entre-temps, l’Australienne en bonne anthropologue s’est plongée dans l’étude de ce monde si particulier qui fait encore fantasmer bon nombre d’Occidentaux. Elle a tellement pris son engagement à cœur qu’elle a voulu se transformer en geisha elle-même. Pour y parvenir, il ne suffisait pas de porter un kimono et de se barbouiller le visage avec du fond de teint blanc. “Ça n’a pas été une partie de plaisir”, reconnaît-elle. “Cela a été d’autant plus difficile que j’étais la première occidentale à tenter l’expérience. L’univers des geisha n’a rien à voir avec le Japon moderne en termes de culture et de manières. Il m’a fallu tout apprendre et ne rien lâcher pour réussir à me faire accepter. Vous imaginez bien qu’il m’a fallu beaucoup de temps pour qu’on m’autorise à faire mes débuts en tant que geisha”, rappelle Sayuki l’air songeur. Elle a passé près d’une année à apprendre à porter correctement un kimono, se comporter convenablement et maîtriser les arts du divertissement. “Je n’avais pas beaucoup de moyens à l’époque. C’était très stressant, car je ne savais pas si je finirais par être reconnue. Ce n’est que trois semaines avant la cérémonie que j’ai enfin été délivrée lorsque j’ai reçu le feu vert. J’ai fait mes débuts comme geisha d’Asakusa. Depuis je suis considérée par les autres geishas comme une des leurs. J’ai choisi le nom de Sayuki [Bonheur transparent], en empruntant une partie du prénom de la geisha qui m’a formée. Elle s’appelait Yukiko. C’est la tradition dans le monde des geisha de procéder ainsi”, note-t-elle. Acceptée par les autres geisha, Sayuki a sa propre clientèle pour laquelle elle se produit régulièrement. “Nous avons une vie d’artiste. Nous devons souvent répéter et apprendre de nouveaux morceaux de musique que nous interpréterons lors de banquets ou de soirées”. Elle ne chôme pas. “La plupart de mes clients savent qui je suis lorsqu’ils m’engagent. Certains pensent que je suis à moitié Japonaise. Mais je les détrompe vite. Je ne suis pas Japonaise même si j’exerce un métier on ne peut plus japonais. Je serai peut-être la seule Occidentale jamais autorisée à être geisha. Même dans mon district, on ne prend que les jeunes femmes de nationalité japonaise. Je suis une exception”, lance-t-elle avec fierté. Sayuki doit retourner se préparer. “Je vais bientôt participer à un festival. Je dois apprendre un nouveau morceau de musique, puis une chanson que j’interpréterai lors d’une réunion avec les geisha d’un autre district”, dit-elle en guise d’au revoir. Elle retourne dans ce monde étonnant qu’elle a eu la chance de découvrir et auquel elle est profondément attachée.
Odaira Namihei
Promotion
En dehors de ses nombreux engagements pour animer des banquets, Sayuki fait beaucoup d’efforts pour promouvoir le métier de geisha. Elle a créé un site Internet à partir duquel il est possible d’organiser une soirée avec une geisha. “Par le passé, il était quasiment impossible pour un nouveau venu de pénétrer dans une véritable maison de thé. C’est désormais faisable, car je peux jouer le rôle de celle qui présente le nouveau venu”, explique-t-elle. www.sayuki.net