Kazé sort l’adaptation très réussie du dernier roman de Dazai Osamu, La Déchéance d’un homme.
On oppose souvent en France l’univers de la culture populaire et celui de la littérature, estimant que le premier ne peut jouer dans la même catégorie que le second bien plus noble. Au Japon, la question ne se pose pas ou du moins on refuse de considérer le manga ou l’animation comme des éléments de second ordre. L’important étant la qualité de l’œuvre et non sa nature. Aussi, lorsqu’un monument de la littérature, en l’occurence Dazai Osamu, rencontre Madhouse, l’un des studios les plus doués dans le secteur de l’animation, on obtient un résultat de grande qualité que personne ne conteste. La Déchéance d’un homme, dernier roman de Dazai Osamu avant son suicide en 1948, raconte l’histoire de Yôzô qui se considère comme un monstre. Il n’arrive pas à trouver sa place auprès de ses semblables et, surtout, de la gente féminine. Il fait semblant, utilise l’humour pour cacher ses mauvais côtés. En réalité, il ne s’aime pas et ne sait donc pas aimer les autres. Il recherche l’autodestruction jusqu’à tenter de se suicider. Réalisée en 2009 à l’occasion du centième anniversaire de la naissance de l’écrivain, l’adaptation de ce roman que l’on a souvent présenté comme autobiographique a été confiée à Asaka Morio qui travaille depuis de nombreuses années pour Madhouse. “Je me suis beaucoup amusé de l’ambiance ironique qui se dégageait de l’œuvre originale. En lisant à nouveau ce livre, j’ai éprouvé de la sympathie à l’égard de Dazai tout en étant amené à rire de l’ironie contenue dans le flot de cette histoire”, raconte-t-il. C’est ce qui ressort de son film qui retranscrit parfaitement l’atmosphère du roman et la psychologie des personnages. Toutefois, concède le réalisateur, “il existe une énorme différence entre l’animé et le roman en ce qui concerne la présence ou non d’éléments temporels. Il y a des passages particuliers dans le film où je me suis demandé si je devais donner ou non un vrai temps de réflexion au spectateur et s’il en apprécierait les répercussions. Si cette histoire de temps m’importe tant, c’est parce que je pense que si on ne parvient pas à s’imaginer clairement un monde, on ne peut rien y construire”. Qu’il se rassure, La Déchéance d’un homme est une véritable réussite qui rend parfaitement hommage au roman éponyme. Cet animé confirme tout le bien que l’on pouvait penser des œuvres produites par Madhouse. On peut aussi se féliciter que l’éditeur Kazé ait choisi de sortir ce titre qui inaugure par la même occasion une collection baptisée Kazé Néo dont le contenu vise un public exigeant sur la qualité. Carton plein pour ce premier essai.
Gabriel Bernard