A moins d’une heure de la capitale, Kamakura ne manque pas de charme et saura vous faire oublier la grande ville.
Quitter Tôkyô où la chaleur est étouffante en cette période est sans doute une bonne idée. C’est d’autant plus vrai cette année que, suite à l’accident de la centrale de Fukushima Dai-ichi, la climatisation est réduite à sa plus simple expression [voir Zoom Japon n°11, juin 2011]. Quitter la capitale pour une autre capitale, plus ancienne, telle est l’idée. Je ne parle pas de Kyôto qui ne manque pas de charme, mais de Kamakura qui devint la capitale de Minamoto no Yoritomo en 1192 et donna son nom à la période historique qui s’étend de 1192 à 1333. Située à moins d’une heure de train (ligne JR Yokosuka) de Tôkyô, cette cité de 174 000 âmes présente bien des avantages pour le voyageur en quête d’un peu de fraîcheur que la mer, les forêts et les nombreux édifices religieux rassemblés dans ce même lieu pourront lui apporter. A une époque militairement agitée, Kamakura devient, à partir du XIIème siècle, un des hauts lieux du bouddhisme zen, ce qui explique la présence de plus de soixante temples. On trouve également près d’une vingtaine de sanctuaires shintoïstes, ce qui signifie que le programme des visites sera chargé. Voilà pourquoi, je recommande de passer au moins deux jours sur place sinon trois si l’on veut également profiter du front de mer dans la baie de Sagami que les Japonais aiment tant et dont les couchers de soleil sont mémorables.
Comme il se doit au Japon, Kamakura ne déroge pas à la règle, la visite s’organise à partir de la gare (ou des gares). Si l’on souhaite être efficace et profiter au maximum de la concentration des transports en commun, il convient de descendre à la gare de Kamakura (Kamakura eki) qui est aussi le terminus de la ligne Enoden dont une grande partie du parcours longe la côte. Plusieurs bus partent également de cette gare et desservent les principaux sites touristiques. Toutefois, si l’on a choisi d’arriver tôt et l’on dispose d’assez de temps, il est bien plus agréable de partir à la découverte des richesses de cette ville en descendant à Kita-Kamakura (Kita-Kamakura eki), la gare qui précède celle de Kamakura. De là, on peut entreprendre une belle balade qui va nous mener vers les joyaux architecturaux et historiques de l’ancienne capitale. Première étape de la promenade : le temple Engaku (Engaku-ji) qui se trouve à deux minutes de la gare. Fondé en 1282 en hommage aux Japonais et Mongols morts lors des deux tentatives avortées d’invasion de l’archipel par les Mongols, le site est entouré d’arbres, ce qui rend la visite très agréable l’été. Au printemps, les cerisiers en fleurs attirent beaucoup de visiteurs tout comme en automne au moment où les érables prennent ces tons rougeoyants qui nous fascinent tant. La porte San-mon, qui a inspiré le romancier Natsume Sôseki pour son roman La Porte [trad. de Raymond Martinie, éditions Sillage, 2010], est le seul vestige rapelant la grandeur du site qui abrite également deux trésors nationaux : la grande cloche de 1301 et le pavillon des reliques (Shari-den). La visite du temple d’Engaku peut s’achever à la maison de thé Benten-dô où l’on savourera un délicieux macha (600 yens), en contemplant la nature située en contrebas. Ensuite, on prendra la direction du temple de Kenchô (Kenchô-ji) situé à environ 15 minutes à pied. Premier temple zen du pays fondé en 1253, il est le plus beau des quatre autres implantés dans la ville. Sa salle du Bouddha (Butsu-den) et son dragon dans les nuages (Unryû) peint, dans les années 1920, au plafond du hall des cérémonies publiques (Hattô) valent le déplacement. Après ce magnifique site, une petite marche de dix minutes nous conduit jusqu’à Tsurugaoka Hachiman-gû, le principal sanctuaire shintoïste de Kamakura érigé au cœur de la cité en 1180. Très différent des temples visités précédemment, ce sanctuaire constitue une belle conclusion pour la première journée à Kamakura. Même si la balade à l’ombre des arbres n’a pas été trop éprouvante, la chaleur se fait tout de même sentir de même que la faim. Puisque vous êtes désormais à proximité de la gare de Kamakura, vous trouverez aisément de quoi vous restaurer. Vous avez ensuite la possibilité de repartir vers Tôkyô par l’un des nombreux trains de la ligne JR Yokosuka ou bien de prolonger le plaisir en empruntant la fameuse ligne Enoden qui relie Kamakura à Fujisawa en une trentaine de minutes dont une partie du trajet longe la magnifique côte. Plus proche du tram que du train proprement dit, la ligne Enoden a été ouverte en 1902. C’est la troisième plus ancienne ligne de train encore en service dans l’archipel. De très nombreux amoureux des trains viennent spécialement à Kamakura pour photographier les voitures dont la couleur jaune pâle et verte est connue de tous dans le pays. Pour 580 yens, vous pouvez bénéficier d’un billet à la journée qui permet de descendre et reprendre le train à tout moment pour profiter des nombreuses attractions à proximité des gares de la ligne.
Si l’on veut garder le rythme des visites, on peut choisir de se rendre au Kôtoku-in où se trouve l’imposante statue de Bouddha (Daibutsu). Situé à une dizaine de minutes de la gare de Hase, ce site vaut essentiellement le déplacement pour cette statue en bronze de 13,35 m de haut et d’un poids 121 tonnes qui trône en plein air. Inspiré par le grand Bouddha du Tôdai-ji de Nara, celui de Kamakura est plus petit, mais à la réputation d’être plus beau. En tout cas, difficile de faire l’économie d’un passage devant cette magnifique sculpture comme il serait presque inconvenant de ne pas se rendre ensuite au temple de Hase (Hase-dera) situé à environ cinq minutes du Kôtoku-in. Ce magnifique endroit mérite de s’y arrêter un bon moment afin de profiter de toutes ses richesses. La plus célèbre d’entre elles est une sculpture de Kannon, la déesse du pardon, à onze têtes située dans le Kannon-dô qui dispose aussi d’une terrasse d’observation donnant sur la baie de Sagami. A droite, dans le pavillon Amida-dô, vous trouverez la statue en or de Yakuyoke qui protège des esprits malins. En automne, la visite de ce temple est particulièrement agréable au moment où les arbres changent de couleur. En été, ce sont les hortensias qui dominent. Tout autour du temple de Hase, des centaines d’hortensias font apparaître des touches de rose, pourpre et blanc sur le chemin qui mène au temple de Goryô (Goryô jinja), au Jôju-in et au temple de Gokuraku (Gokuraku-ji) d’où vous pourrez reprendre la ligne Enoden.
A partir de cet instant, vous pourrez oublier les temples et autres sanctuaires pour vous concentrer sur la mer et la silhouette d’Enoshima qui se détache à l’horizon. Bon nombre de Japonais s’arrêtent à la gare de d’Inamuragasaki (Inamuragasaki eki) ou Kamakura Kôkômae (Kamakura Kôkômae eki). De très nombreux films ou téléfilms y ont été tournés, mais surtout ces deux endroits permettent de magnifiques prises de vue notamment au moment où le soleil se couche. Les jeunes couples adorent ces lieux où l’on trouve de nombreux restaurants avec terrasse. Mais ne vous attendez pas à de la haute gastronomie. Cela dit, un inoubliable coucher de soleil vaut parfois un dîner de qualité moyenne. Juste à la sortie de la gare de Shichirigahama (Shichirigahama eki) qui se trouve entre celles d’Inamuragasaki et Kamakura Kôkômae, le restaurant Amalfi della Sera dont le nom et l’architecture rappellent davantage l’Italie que le Japon sert une bonne cuisine méditerranéenne. Cependant, sa célèbre terrasse est souvent prise d’assaut. On peut poursuivre jusqu’à la gare d’Enoshima (Enoshima eki) pour une balade à pied sur Enoshima au crépuscule. Que vous ayez passé une seule journée ou que vous soyez resté plus longtemps, Kamakura aura réussi à vous faire oublier Tôkyô et sa chaleur. Vous aurez fait le plein de belles images et de souvenirs à partager avec vos amis.
Gabriel Bernard
Pratique :
Pour s’y rendre Au départ de Tôkyô, la ligne JR Yokosuka jusqu’à Kita-Kamakura (780 yens) ou Kamakura (890 yens). Au départ de Shinjuku, prenez la JR Shônan Shinjuku Line (890 yens).
Pour y dormir Le Kaihinsô Kamakura est un bel hôtel des années 1920 à deux pas de la gare de Yuigahama (Yuigahama eki). A partir de 18 900 yens en demi-pension. www.kaihinso.jp