Dans deux histoires et deux styles différents, Taniguchi et Minagawa explorent le rapport des hommes face à la violence.
Les hommes sont bagarreurs. Ils aiment se mesurer les uns aux autres pour déterminer celui qui est le plus fort. Certains le font pour la gloire, d’autres n’ont pour objectif que le simple dépassement de soi. C’est notamment le cas de Tanba Bunshichi, champion de karaté qui a développé des techniques de combat qui lui permettent de battre n’importe quel adversaire. Il ne cherche pas à le “casser”, mais juste à le mettre au tapis pour poursuivre de façon satisfaisante sa vie et atteindre la plénitude absolue. Mais un jour, il rencontre sur son chemin Kajiwara Toshio. “Pour la première fois, Bunshichi ressentit une sorte de frayeur vis-à-vis de ce que pouvait être réellement la lutte professionnelle”. Tanba subit ainsi sa première défaite qu’il ne va avoir de cesse d’effacer, en affrontant à nouveau cette montagne de muscles. Il lui faudra plusieurs années et des trésors d’imagination pour parvenir à ses fins dans un formidable affrontement final que Taniguchi Jirô dessine avec force et grâce. Il est probable qu’un autre dessinateur aurait transcrit le scénario signé Yumemakura Baku de manière bien différente. Le trait de Taniguchi soutient le propos du scénariste qui montre à quel point la quête de Tanba est à la fois noble et terriblement sombre. “Sur le visage de Tanba se lisait une solitude grande comme le monde…”, peut-on lire à la fin de ce manga signé par deux pointures qui avaient déjà collaboré sur Le Sommet des dieux [éd. Kana]. Même si les scènes de combat sont nombreuses, ce qui tranche nettement avec les œuvres précédentes de l’auteur de Quartier lointain, elles ne sont que prétexte à une réflexion plus profonde sur les sacrifices que l’homme est prêt à consentir pour atteindre ce qu’il croit être le bonheur.
Dans PeaceMaker de Minagawa Ryôji, on quitte le Japon pour l’Ouest américain. Là encore, on retrouve une atmosphère de bagarre, même si les combats ne se font pas à mains nues, mais se règlent à coups de pistolet. A la différence de Tanba, le héros de cette histoire, Hope Emerson, se retrouve malgré lui entraîné dans une lutte contre les Crimson Executers, une bande d’assassins sans pitié. Lui, veut éviter les duels. Il refuse que l’arme dont il a hérité de son père serve à tuer même s’il est un tireur d’exception. Mais la vie prend parfois des chemins que l’on n’imaginait pas. Hope Emerson doit ainsi affronter dans un duel un des membres des Crimson Executers. “Ton destin est d’éliminer le clan des Crimson !” lui apprend-t-on, tandis qu’il finit par comprendre que “la paix, ça se fabrique” et qu’elle suppose des sacrifices. Très bien ficelée, l’histoire est d’autant plus prenante que le dynamisme du trait lui donne une dimension réaliste. Minagawa Ryôji manie très bien sa plume et entraîne le lecteur dans des scènes de duel dignes des plus grands westerns dont il s’est sans doute inspiré. Le premier tome de PeaceMaker est alléchant et nous permet d’espérer une suite de qualité. A se procurer d’urgence.
Gabriel Bernard
Références :
Garôden de Taniguchi Jirô et Yumemakura Baku, trad. par Patrick Honnoré, éd. Casterman, coll. Sakka, 12,50€. www.sakka.info
Peacemaker de Minagawa Ryôji, trad. par David Deleule, éd. Glénat, coll. Seinen, 7,50€.
www.glenatmanga.com