Depuis plusieurs semaines, les manifestations contre le Partenariat transpacifique se multiplient.
Depuis le 11 mars dernier, les Japonais n’auront jamais autant manifesté contre la politique menée par les autorités. Ils sont descendus dans la rue pour demander l’arrêt des centrales nucléaires (voir l’article de Kamata Satoshi pp. 4-5) après l’accident de la centrale de Fukushima Dai-ichi. Ils ont participé en moins grand nombre au mouvement international Occupy avec notamment des marches organisées par Occupy Tokyo. Aujourd’hui, ils se mobilisent contre le TPP (Partenariat transpacifique), un accord de libre-échange initié par les Etats-Unis auquel le Premier ministre Noda a annoncé son intention de participer. Symbole de la mondialisation à outrance et synonyme de danger pour de très nombreux Japonais, le TPP occupe actuellement une grande partie des débats. La plupart de ceux qui s’y opposent sont les agriculteurs qui estiment que leur secteur déjà fragilisé risque de payer le prix fort d’une ouverture trop grande des marchés. Le plus frappant dans cette affaire, c’est le déficit d’information sur le TPP. Dans un récent sondage réalisé par l’agence de presse Kyôdô, il est intéressant de souligner que 81 % des personnes interrogées se sentent mal informées sur les enjeux de ce partenariat. Cela rappelle la situation qui avait prévalu en France lors du référendum sur la Constitution européenne. A l’époque, les électeurs avaient choisi de s’y opposer parce qu’ils ne disposaient pas d’informations claires sur la portée de ce texte. C’est exactement ce qui se passe dans l’archipel avec des médias qui participent au débat sans pour autant expliquer les conséquences du TPP. A la différence de la France, les Japonais ne sont pas invités à se prononcer sur le projet, mais il est tout de même intéressant de noter les similitudes entre les deux situations. On assiste en effet dans les deux cas à l’opposition entre deux façons de se projeter dans l’avenir. D’un côté, on trouve une partie de la population désireuse de participer à ce qui semble être un mouvement irréversible d’ouverture des frontières au commerce. De l’autre, on trouve ceux qui s’accrochent à un mode de fonctionnement dont ils estiment qu’il est le mieux adapté aux spécificités locales. La presse rend compte de cette opposition, mais ne donne pas assez de clés pour comprendre ce que le TPP apportera comme changements concrets. Voilà pourquoi les manifestations et les mobilisations contre le projet ont enregistré un certain succès. Il synthétise les peurs de nombreux Japonais qui se demandent bien à quelle sauce ils vont être accommodés. La responsabilité des pouvoirs publics comme des médias est donc d’offrir des clés de compréhension plutôt que de rendre seulement compte d’oppositions bien peu constructives.
Gabriel Bernard