Dans toute la région du Tôhoku ravagée par le tsunami, on multiplie les initiatives architecturales.
Lorsqu’on se rend sur les lieux qui ont été dévastés — le mot n’est pas trop fort — par le violent séisme et le non moins terrible tsunami du 11 mars 2011, on prend toute la mesure de la puissance des éléments qui ont non seulement balayé tout ce qui se trouvait sur leur passage, mais aussi pratiquement remodelé le paysage. Certaines forêts ont pris la forme de la vague et les arbres sont littéralement brûlés par l’eau de mer. Dans la plupart des sites visités, les débris et autres gravats ont été ramassés, entassés pour former d’énormes monticules que des engins escaladent pour trier ce qui pourra être brûlé, recyclé ou enterré le cas échéant. Il reste parfois des bâtiments renversés ou éventrés qui finiront eux aussi par être rayés de la carte. L’heure est à la réflexion. Dans les différentes villes touchées, les responsables locaux s’affairent et tentent d’envisager le futur de leur cité. Ils doivent aussi s’assurer que les sinistrés ont bien été relogés. Fin octobre 2011, sept mois après la catastrophe, tous les centres d’évacuation ont fermé leurs portes, preuve que les efforts consentis pour le relogement ont été couronnés de succès. Partout dans la région, on a vu pousser des maisons provisoires au confort sommaire et conçues avant tout pour servir d’abri plutôt que de substitut à la maison perdue après le passage de la déferlante. Petits, pas toujours très bien agencés, ces logements provisoires ont rapidement montré leurs limites. C’est la raison pour laquelle certains architectes ont tenté de proposer des solutions qui permettent à ces personnes souvent choquées de pouvoir bénéficier d’un logement digne de ce nom. Mais ils ont souvent dû se heurter à la lourdeur bureaucratique. Néanmoins, quelques expériences heureuses comme celle menée par Ban Shigeru à Onagawa ou Sugawara Daisuke à Rikuzentakata (voir p. 11) ont permis de montrer qu’il était possible d’offrir des solutions grâce auxquelles les individus pourraient se sentir mieux et ainsi reconstruire des liens sociaux. C’est le principal constat que plusieurs professionnels ont tiré de leurs rencontres avec les populations qui redoutaient pour la plupart d’avoir à se retrouver dans des préfabriqués en étant privées de tout contact avec les autres. Ainsi, des architectes ont imaginé de bâtir des espaces pour permettre à la vie communautaire de retrouver droit de cité dans des zones où chacun semblait condamné à vivre replié sur lui-même.
La plupart des sinistrés ont été relogés
Ces édifices ont des formes variées et leur conception est parfois compliquée ou bien très simple. A Kamaishi, port situé à environ 200 km au nord de Sendai, l’architecte Kakiuchi Kôji a posé sur les fondations d’une maison détruite par le tsunami ce qui ressemble à un toit avec un banc pour que les gens viennent s’y abriter pour discuter. En empruntant la route 45 qui longe la côte à partir de la petite cité portuaire en direction de Sendai, on découvre des lieux aux formes insolites comme le Take no kai imaginé par Tôki Hirokazu (voir ci-contre) à Kensennuma. Construit en bambou et recouvert d’une toile blanche, il a vite été adopté par la population qui a participé à son édification. Dans les zones de relogement, on a pris conscience de la nécessité de remettre la communauté au cœur des priorités pour éviter que les populations ne sombrent dans la dépression faute de pouvoir communiquer. A Onagawa, à une soixantaine de kilomètres au nord de Sendai, Ban Shigeru qui s’est occupé de la construction de logements conçus à partir de conteneurs (voir pp. 10-11) a dans un premier temps installé au centre de l’ensemble une immense toile pouvant abriter quelques activités, mais dans une région où l’hiver est rigoureux, il fallait plus. Mi-décembre, il a donc créé une mini-rue commerçante couverte et fermée toujours à base de conteneurs dans le but d’inciter les habitants à se retrouver pour échanger. C’est le même désir qui a animé Itô Toyô lorsqu’il a conçu la première Maison pour tous (Minna no ie) dans le quartier de Miyagino à Sendai (voir pp. 8-9). Il s’est souvenu du rôle crucial de l’architecture comme vecteur de communication entre les êtres. L’impact positif de cette première expérience l’a incité avec d’autres architectes à poursuivre dans d’autres villes sinistrées. Zoom Japon, vous le savez, s’associe à cette opération et vous invite (voir p. 13) à faire un don même symbolique pour aider à la construction de ces maisons qui participent à leur manière à la reconstruction de cette belle région du Tôhoku. Il s’agit avant tout d’aider à la reconstruction du moral des populations concernées. Grâce à cela, elles pourront sans doute plus facilement se projeter dans l’avenir et réfléchir plus sereinement à la façon de rebâtir leurs cités.
Odaira Namihei