Avec Roujin Z, l’auteur d’Akira aborde de plein fouet un sujet brûlant, celui du vieillissement de la population.
Depuis plusieurs années, l’une des entreprises, qui fait de la publicité dans la presse, s’appelle France Bed. En dépit de son nom, elle n’est pas française, mais comme son appellation le laisse entendre, elle commercialise des lits, toutes sortes de lits. Mais ces derniers temps, elle communique beaucoup sur sa gamme médicalisée spécialement conçue pour répondre aux besoins des personnes âgées. Le Japon, on le sait, est entré dans une phase accélérée du vieillissement de sa population. Pour évoquer cette tendance, les Japonais utilisent l’expression kôreika shakai (société hautement vieillissante) qui en dit long sur l’état du pays en la matière. Actuellement, 23,1 % des Japonais ont plus de 65 ans, ce qui, en comparaison avec les 14 % de la France, constitue un vrai défi et suscite bien des débats dans le pays. Il suffit aussi de rappeler que 65 % des victimes du tsunami qui a ravagé le nord-est du Japon le 11 mars 2011 avaient plus de 60 ans pour comprendre l’enjeu du problème.
Celui-ci n’est pas nouveau et agite le pays depuis une trentaine d’années lorsque les autorités ont commencé à constater que le taux de natalité ne cessait de baisser et que, parallèlement, la durée de vie s’allongeait à mesure que la médecine progressait. Il y a trente ans, le Japon était à l’apogée de sa puissance économique et la question du vieillissement se résumait à l’idée de construire de superbes villages en Espagne pour que la vieillesse dorée nippone finisse tranquillement ses jours. En 1991, l’éclatement de la bulle financière a sonné le glas de ces projets un peu fous.
Des sociétés comme France Bed, mais aussi plus connue comme Toyota, ont ainsi investi dans la recherche. C’est aussi en 1991 qu’est sorti sur les écrans japonais Roujin Z, l’animé signé Kitakubo Hiroyuki sur un scénario d’Ôtomo Katsuhiro. Le terme japonais rôjin (ou roujin selon la transcription) signifie personne âgée, résumant le propos de ce film que Kaze a la bonne idée d’éditer en DVD et Blu-Ray vingt ans après sa diffusion au Japon. Dans un futur proche, la société va connaître un grave problème de vieillissement de la population. Les hospices sont pleins à craquer et il manque du personnel. Le ministère de la Santé décide donc de lancer le projet Roujin Z. Il s’agit de placer les personnes âgées dans des lits robotisés et dotés d’une intelligence artificielle jamais atteinte à ce jour. Le premier patient à en bénéficier s’appelle Tezawa. Il est suivi par Haruko, une jeune infirmière stagiaire. Le vieil homme lui fait comprendre que la solution pourrait bien devenir un véritable problème.
Le décor est planté. A partir de ce sujet, Ôtomo Ka-tsuhiro, à qui l’on doit le formidable Akira (voir pp. 20 à 23), a laissé libre cours à son imagination pour le moins débridée, montrant une nouvelle fois son aptitude à saisir l’air du temps. Il aborde aussi la question du rapport entre les hommes et les robots. Cela ne veut pas dire pour autant que Roujin Z est l’animé du siècle. En termes de réalisation, il laisse parfois à désirer. L’animation n’est pas à la hauteur de l’histoire, ce qui gâche un peu le plaisir. Mais il ne faut pas s’arrêter à cet aspect dans la mesure où l’on a affaire à une œuvre en quelque sorte prémonitoire. Le sujet abordé est, on l’a dit, toujours d’actualité et il continue d’inspirer de nombreux auteurs au Japon. Dans nos pays occidentaux appelés aussi à enregistrer la même tendance au vieillissement, il est peut-être bon de regarder dès maintenant Roujin Z.
Odaira Namihei
Référence :
Roujin Z de Kitakubo Hiroyuki, scénario de Ôtomo Katsuhiro, Kaze. DVD : 20,45 €, Blu-Ray : 25,45 €