Les amateurs de pop japonaise connaissent forcément le groupe Asian Kung-fu Generation qui, depuis plusieurs années, cartonne dans les classements des meilleurs ventes de disques. Ses concerts affichent souvent complet et ses membres n’ont pas à se plaindre de la vie. Pourtant, le groupe, en particuler son leader Gotô Masafumi, se sent désormais investi d’une mission. Celle-ci consiste à s’investir davantage dans le destin du Japon, en sensibilisant les plus jeunes aux grandes questions qui auront une influence sur leur avenir. Pour Gotô Masafumi, il est essentiel de se projeter et d’imaginer le Japon de demain. Il a donc créé un journal. Baptisé The Future Times, ce trimestriel gratuit est une réaction à la situation de crise née après le séisme du 11 mars 2011 et l’accident de la centrale de Fukushima Dai-ichi.
“The Future Times est un journal qui a été fondé par des bénévoles désireux d’alimenter la réflexion sur l’avenir. Chacune des personnes qui y participe a déjà un emploi. Elles s’y consacrent dans leur temps libre”, explique le leader d’Asian Kung-fu Generation. Quand on lui demande pourquoi il a décidé de se lancer dans cette aventure, il répond simplement : “J’avais simplement envie de le faire”. “Pendant de longues années, je me suis beaucoup investi dans la création d’œuvres artistiques. Mais j’ai eu l’impression qu’au Japon, les musiciens, en particulier, au niveau de la scène rock s’investissaient peu dans la société. C’était particulièrement vrai de notre génération. Cela m’a pas mal préoccupé et interpelé. J’ai donc cherché à créer quelque chose qui puisse avoir une quelconque influence”, ajoute-t-il.
Les événements du printemps 2011 ont été le détonateur de l’engagement de Gotô Masafumi. “Je me suis demandé ce que je pouvais faire en tant que citoyen. L’idée du journal s’est imposée après m’être plongé dans l’histoire de la musique. Au Moyen-Âge, en Europe, les troubadours qui allaient de ville en ville pour distraire le public étaient aussi ceux qui diffusaient l’information. Ils remplissaient le rôle du journal. Tout naturellement, je me suis dit que le papier restait le meilleur moyen pour informer”, poursuit le musicien qui en a associé d’autres à son entreprise. Sakamoto Ryûichi pour ne citer que lui participe, en livrant ses impressions sur le chemin que doit emprunter le Japon pour sortir de la crise environnementale dans laquelle il se trouve. Gotô Masafumi est sur la même longueur d’onde. “Le 8 mars 2011, j’avais noté dans mon journal intime mes impressions négatives sur le nucléaire”, rappelle-t-il.
Dès lors, on comprend pourquoi l’un des principaux chevaux de bataille du Future Times est l’abandon du nucléaire. Par ailleurs, les deux artistes ont lancé une initiative musicale qui débouchera en juillet prochain sur une série de concerts dont le leitmotiv sera la sensibilsation de l’opinion à la nécessité de sortir de la dépendance à l’égard de l’énergie nucléaire. Dans le troisième numéro du Future Times qui est paru le 6 avril dernier, la thématique occupe une place importante sans pour autant devenir une obsession. Il s’agit surtout d’alimenter la réflexion des lecteurs, en leur apportant des informations et des témoignages. Pour Gotô Masafumi, il est indispensable de mettre en avant les alternatives au nucléaire plutôt que de simplement se contenter de dénoncer quelque chose que tout le monde semble aujourd’hui rejeter dans l’archipel. “La catastrophe qui s’est déroulée dans le nord-est du pays a démontré la nécessité de repenser notre politique énergétique”, peut-on lire en introduction d’un article sur la biomasse en tant que source d’énergie renouvelable. La question énergétique est évidemment un sujet d’importance pour l’avenir de l’archipel et pour un journal qui a pour vocation de s’intéresser au futur, elle s’impose. Mais la publication voulue par Gotô Masafumi ne se limite pas à ce seul sujet. Ce qui ressort de la lecture du Future Times, c’est l’importance de la solidarité. La couverture du numéro 2 dessinée par le mangaka Asano Inio (Bonne nuit Pun Pun, Solanin, éd. Kana) en témoigne. Gotô Masafumi et Asano Inio se connaissent bien puisque Asian Kung-fu Generation avait mis en musique Solanin, la chanson éponyme écrite par le mangaka pour l’adaptation cinématographique de son manga. Une jeune femme, source de chaleur, donne la main à une autre personne qui elle-même, on croit le deviner, fait la même chose. Un cercle vertueux humain sans lequel rien ne sera possible et sans lequel l’avenir du Japon risque d’être compromis. Gotô Masafumi a choisi d’y croire.
Odaira Namihei