En quoi diffère Ôi, une ville nucléaire, d’une cité comme Obama ?
Nakajima Tetsuen : Ôi a une population trois fois moins importante qu’Obama, mais bénéficie d’infrastructures mirobolantes grâce à des subventions très élevées. Il s’agit d’un budget spécial prélevé sur l’argent des consommateurs et redistribué par les opérateurs d’électricité aux collectivités qui acceptent l’implantation de centrales nucléaires. Ce système existe depuis 1974 et sert à entretenir la dépendance des populations. C’est comme une drogue.
Pendant votre grève de la faim, vous avez fait allusion à l’éventualité d’un deuxième Fukushima. Sommes-nous dans l’urgence ?
N. T. : Absolument, j’ai un grand sentiment d’insécurité, car la nature nous parle. Après un demi-siècle de développement nucléaire, nous arrivons en phase terminale. Je me suis longuement entretenu avec Ishibashi Katsuhiko, un sismologue qui a prévu longtemps à l’avance la vulnérabilité des centrales face aux séismes. Il a écrit un livre intitulé Au crépuscule de la catastrophe nucléaire de Wakasa. Sa théorie est qu’il reste des régions entières au Japon où un cataclysme sismique aurait dû arriver. Le fait que la baie de Wakasa, où sont concentrés 14 réacteurs, y a échappé est juste une chance. S’il existe des périodes de grand calme sismique, il se peut aussi que les séismes se déclenchent tous en même temps. Et si cela se produit, il sera trop tard.
En tant qu’homme de religion qui œuvre depuis 20 ans contre l’énergie nucléaire, quels sont vos conseils ?
N. T. : Il faut d’abord sortir du nucléaire au plus vite et traiter les déchets radioactifs. Ensuite, apprendre à économiser l’électricité et enfin réfléchir à une énergie, une consommation et un mode de vie différents. Ces trois piliers créeront des emplois. Rien que le démantelement des centrales va prendre des décennies. C’est un travail à haut risque, mais il est possible de les minimiser en diminuant les heures et en augmentant l’effectif des travailleurs. Il faut penser en priorité à leur sécurité. Et se dire qu’au moins leur travail ne servira pas à enrichir le lobby nucléaire, mais à nettoyer la planète.
Propos recueillis par Alissa Descottes-Toyosaki