Ils sont partout. Du nord au sud, au sommet du mont Fuji ou sous la mer, ils assurent un service continu. Ils savent s’adapter aux développements des technologies et aux évolutions des modes de consommation.
Dans le paysage japonais, il y a trois éléments que l’on retrouve partout dans l’archipel : le train, le temple bouddhiste ou le sanctuaire shintoïste et le distributeur automatique (jidôhanbaiki). Avec un distributeur pour 24 habitants, la densité de ces machines est telle que le Japon est de loin le pays qui en compte le plus. avec près de 5,1 millions d’unités répartis sur l’ensemble du territoire. En quand on dit partout, ce n’est pas exagéré. Au sommet du mont Fuji à 3 776 mètres mais aussi sous la mer à 145 mètres sous son niveau dans la gare de Yoshioka Kaitei située dans le tunnel Seikan qui relie l’île de Honshû à celle de Hokkaidô. Toujours sur l’île septentrionale, à Wakkanai, au cap Sôya qui marque l’extrémité nord du Japon, il y a aussi un distributeur tout comme sur l’île de Hateruma, dernière île habitée d’Okinawa, à la pointe sud du pays. S’il est difficile d’échapper au train lorsqu’on s’y rend, il est carrément imposible de ne pas croiser sur son chemin un distributeur automatique qu’il soit de boissons, de cigarettes voire de parapluies. Même si le développement des supérettes ouvertes 24h/24 et 7 jours/7 aurait pu nuire à leur existence, les distributeurs ont la peau dure et ne semblent pas décidés à céder du terrain. Un ami me faisait récemment remarquer qu’entre son domicile et la gare située à environ 600 mètres il avait dénombré pas moins de 47 distributeurs sur le chemin. Il peut tout à la fois acheter son riz, des piles, du tabac, des fruits, des glaces ou encore des préservatifs. Le chiffre est étonnant, mais il traduit un mode de vie dans lequel le rapport à la machine est tout aussi normal que l’échange entre un client et un marchand. Dans un pays où l’espace est compté, il va sans dire que ces appareils assurent un service idéal en prenant un minimum de place. Ça l’est aussi pour les commerçants qui disposent en plus d’une source de revenus non négligeables. Bref, tout le monde y trouve son intérêt d’autant que le vandalisme ne fait guère partie des mœurs nippones. On sait trop bien le service qu’ils peuvent rendre pour que les distributeurs deviennent la cible de voyous même si cela peut arriver de temps en temps. Les Japonais ne sont pas tous des anges. Pour ceux-là, il existe même des appareils automatiques qui distribuent des objets interdits aux mineurs. Pour éviter que ces derniers (au Japon, la majorité est à 20 ans) ne consomment par exemple du tabac en achetant des cigarettes dans des distribueturs automatiques (ce qui se faisait assez aisément par le passé), les autorités et les industriels du secteur ont créé des machines qui exigent que l’on prouve son âge (grâce à une carte) avant de délivrer la marchandise demandée. Il a beau être automatique, il n’est pas pour autant stupide.
En cas de séisme, certaines machines offrent leur contenu
Tous ces appareils connaissent des développements technologiques qui les rendent en permanence attractifs. Il y a quelque temps, Coca Cola Japon a implanté dans certains quartiers branchés des distributeurs auxquels on peut se connecter avec son téléphone portable de façon à obtenir des informations sur les animations locales comme les concerts ou les bons plans. Cela suppose bien sûr de consommer avant de profiter des tuyaux. Mieux encore, la société Sanden en partenariat avec Okaya Electronics a mis au point un distributeur intelligent capable de savoir si le client est un homme ou une femme, s’il est jeune ou plus âgé et ainsi de proposer des produits plus adaptés à la personne qui se trouve face à lui. Son vaste écran tactile et animé rend l’expérience à la fois ludique et pratique, ce qui augure de son succès. Pour son côté pratique, l’appareil peut diffuser sur son vaste écran les informations indispensables à connaître sur l’endroit où l’on se trouve en cas de séisme par exemple. Coca Cola Japon rappelle aussi sur son site Internet que la plupart de ses distributeurs sont connectés à un réseau national qui permet non seulement de savoir à distance les quantités de boissons encore disponibles, mais aussi de réagir en cas de problèmes. L’entreprise explique notamment qu’en cas de catastrophe importante (tremblement de terre dans la péninsule de Noto en 2007 ou séisme du 11 mars), ses distributeurs assurent la distribution gratuite des boissons. Ainsi en 2011, les quelque 400 distributeurs de la marque encore en service dans la région frappée par la catastrophe ont “offert” plus de 88 000 cannettes. La célèbre boisson a bien compris que la communication autour de ses distributeurs était importante. En novembre 2012, alors que le pays est en plein débat sur son avenir énergétique, elle a annoncé l’installation progressive de distributeurs moins dévoreurs d’électricité. Depuis le début du mois de janvier, ces premières machines consomment en moyenne 10 % d’énergie en moins que la génération précédente.
C’est un bon coup de pub, mais c’est aussi un geste citoyen puisque il faut le rappeler, Coca Cola, avec 980 000 distributeurs dans tout le pays, occupe de loin la première place avec 40 % du marché. Pour les distinguer des plus anciens, les distributeurs économiseurs d’électricité disposent d’un ours polaire sur leur façade et sur le côté. En d’autres termes, le consommateur consciencieux sera plus enclin à s’approvisionner chez Coca qu’ailleurs. Il est d’autant plus important d’entretenir l’intérêt pour les distributeurs automatiques que ceux-ci perdent peu à peu du terrain. En 2000, l’archipel comptait encore 5,6 millions d’unités en service, soit 9 % de plus qu’en 2012 et dans le même temps, le chiffre d’affaires généré par ces appareils a reculé de 25 %. Les fabricants doivent donc innover et surtout s’adapter aux changements d’habitudes. Les boissons sucrées (42,2 % des distributeurs sont concernés) ont moins la cote alors que les fruits sont plus consommés que par le passé. Voilà pourquoi on voit apparaître des distributeurs de bananes ou de pommes à la place de machines remplies de sodas. Et rassurez-vous, malgré la diminution de leur nombre, les jidôhanbaiki font encore bien partie du paysage nippon.
Odaira Namihei