Tôkyô a annoncé sa participation aux négociations de l’accord de libre-échange trans-Pacifique. Une bonne nouvelle ?
En regardant les sondages publiés au lendemain de l’annonce, le 15 mars, de la participation du Japon aux négociations de l’accord commercial trans-Pacifique (TPP), le Premier ministre Abe Shinzô a dû être satisfait. Selon une étude réalisée par le Sankei Shimbun, 63,8 % des personnes interrogées ont manifesté leur soutien à la décision du gouvernement. Peut-être que les Japonais ont été impressionnés par la déclaration du chef du gouvernement selon laquelle “le TPP devrait transformer le Pacifique en une mer intérieure et une vaste zone économique”. L’opinion publique, qui a donné une majorité confortable au Parti libéral-démocrate (PLD) lors des élections de décembre dernier, attend en effet qu’on lui donne de bonnes nouvelles sur le front de l’économie. Il est vrai que deux décennies de crise ont conduit les Japonais au bord de la crise de nerfs. Depuis son arrivée à la tête du pays, Abe Shinzô a multiplié les annonces destinées à doper le moral des électeurs qui, en juillet prochain, devront élire leurs sénateurs. Pour le PLD, ce scrutin est crucial, car il ne dispose pas de la majorité au sein de la Chambre haute. Il est donc indispensable que les Japonais soient bien disposés à son égard pour qu’il reprenne le Sénat à ses adversaires. C’est ce qui explique pourquoi le gouvernement a mené une campagne d’information pour expliquer les effets positifs pour la croissance du pays. Pourtant, la participation du Japon au TPP est loin de garantir des lendemains qui chantent. De nombreux secteurs économiques et la protection sociale risquent d’en souffrir, car le TPP va bouleverser le fonctionnement de l’ensemble du pays. Certains domaines déjà fragilisés, en particulier l’agriculture, devraient subir de nouveaux assauts. C’est ce qui explique en grande partie pourquoi les agriculteurs japonais manifestent contre le TPP depuis plusieurs mois. Mais leurs voix pèsent de moins en moins lourd. Il n’empêche que le gouvernement a intérêt de se montrer plus clair sur les enjeux réels de cet accord plutôt que de mettre en avant des chiffres théoriques de croissance. Les Japonais ont droit de savoir exactement ce qui les attend sinon la déception risque de coûter très cher au PLD. Pour se justifier, le Premier ministre peut notamment expliquer que la montée en puissance de la Chine l’oblige à renforcer son partenariat avec les Etats-Unis, ardents promoteurs du TPP. Les Américains ont beaucoup à gagner dans la création d’une vaste zone de libre-échange adaptée à leurs besoins. Les négociateurs japonais ont donc du pain sur la planche pour arriver à défendre les intérêts de leur pays face aux onze autres pays concernés (Etats-Unis, Canada, Mexique, Pérou, Chili, Australie, Nouvelle-Zélande, Singapour, Brunei, Malaisie et Vietnam) qui considèrent le marché nippon comme particulièrement prometteur.
Gabriel Bernard